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Ce ne fut pas un coup d’État en 99 : Bédié victime d’un coup de bluff d’IB-“Notre histoire avec Laurent Gbagbo” (3)

Ce ne fut pas un coup d’État en 99 : Bédié victime d’un coup de bluff d’IB-“Notre histoire avec Laurent Gbagbo” (3)
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Par
Charles Kouassi
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Troisième et dernière partie des extraits exclusifs de l’ouvrage du journaliste et écrivain,Wakili Alafé. Disponible aux Éditions l’Harmattan-Paris, et paru depuis 2013, l’ouvrage est un témoignage-contribution sur une partie de la crise ivoirienne; un autre regard qui invite à sortir des lieux communs, et vérités établies.

Au sujet de cette alternance ethnique qui permet à un musulman du Nord aujourd’hui de diriger la Cote d’Ivoire et qui attenue les sentiments d’exclusion et les frustrations, le président Bédié avaient fait preuve d’une lucidité et d’un réalisme froids.
Ces qualités lui ont-elle fait défaut en Décembre 1999 lors des événements ayant conduit au coup d’État . Cette opération de putsch avait un ressort fragile et pouvait bien être stoppée. C’était une affaire montée au départ par des géants au pied d’argile. Les meneurs n’avaient ni le contrôle total, ni la maitrise absolue de l’armée, de la gendarmerie et de la police.
Au sein de ces corps en armes, les éléments originaires du Nord ou plutôt les anti-ivoiritaires, n’étaient pas majoritaires comme on le verra dans la conduite des événements par Robert Guei, et par Laurent Gbagbo.

Malgré ses hésitations entre le « et » et le « ou », malgré les attaques des forces voulant une rectification, un retour aux valeurs ayant conduit au coup d’État , la majorité des forces armées de Côte d’Ivoire restera soudée autour du  chef de la junte.
Quand elle le lâchera, ce sera pour adouber Laurent Gbagbo et non pour se mettre a la disposition d’Alassane Ouattara. L’armée, la police et la gendarmerie sont par excellence des centres de cohésion nationale, d’exaltation du patriotisme, de l’amour de la nation et de la patrie.En tant que tel, le métier des armes a été en Cote d’Ivoire un terrain fertile à la propagation et à l’exaltation de l’ivoirité politique, dont les gardiens et les défenseurs ne pouvaient être que les policiers, les gendarmes et les militaires. Mais alors comment cette Armée pro-Baoulé, et ivoiritaire en 1999, cette Armée qui ne pouvait pas être à la solde d’éléments soupçonnés d’être pas trop ni très ivoirien avait-t-elle pu lâcher Bédié? Des témoignages concordent pour dire que c’est le président Bédié qui avait lâché l’armée et le pouvoir.

Tout est parti d’un coup de bluff du Sergent Chef IB qui dirigeait le groupe parti discuter avec le président Bédié à sa résidence. Bédié restant intransigeant et inflexible sur certaines positions, notamment la libération des prisonniers du RDR, IB décrète l’échec des négociations. Il prend alors le téléphone pour appeler un contact à l’extérieur , et dire que les discussions sont terminées. IB donne l’ordre à son interlocuteur de passer à l’action et de venir avec les éléments pour récupérer le désormais ex-président avant qu’il ne tente de s’enfuir. “Feu à volonté !”, lance au téléphone IB à son interlocuteur qui est en réalité un civil et non un militaire. Le coup de bluff prend et la nouvelle panique Bédié et son entourage. Alors  qu’IB et ses hommes qui n’étaient pas assis sur du solide, annoncent leur départ et menacent de revenir nettoyer le coin et prendre le président Bédié et les siens, ceux-ci conviennent de ne pas rester pour attendre le retour des putschistes.

Si à cet instant précis, la garde du président Bédié avait arrête IB et ses camarades, c’était fini.  Il n’y aurait pas eu de coup d’État. Rien ne se serait passé. Bédié a plutôt pris le tunnel pour accéder à l’Ambassade de France. En réalité il n’y avait aucun adversaire ni troupes combattantes en face. Humiliés les ivoiritaires de l’Armée feront entendre leurs voix en s’opposant au choix des généraux  Palenfo et Coulibaly pour diriger la transition. D’où l’appel fait à Robert Guei. La même union sacrée fonctionnera en 2000 en faveur de Laurent Gbagbo, qui saura entretenir le soutien et le moral des troupes jusqu’a la crise postélectorale.

Résultat: peu de trahison au sommet et pas de défection ni de désertion massive.

(….)

Papa a très mal supporté cette trouvaille de Laurent Gbagbo, même s’il avait été satisfait de l’échec prévisible pour lui, de Charles Konan Banny. Il n’a jamais compris comment après être passé de l’amitié au rejet, de l’amour à la haine, Laurent Gbagbo pouvait à nouveau confier son sort et le destin de la Côte d’Ivoire à Blaise Compaoré.

Quand commencent les discussions pour l’accord de Ouagadougou, j’en suis content. L’intelligent d’Abidjan avait déjà fait état à quelques reprises du mécontentement des Forces nouvelles et de leur leader. Même si au fond j’estimais que le pays n’en avait pas besoin, professionnellement, je sentais que c’était un processus qu’il était juste d’avoir senti. La tournure conflictuelle prise par les relations entre Laurent Gbagbo et Charles Konan Banny enfermait dans une impasse. L’élection présidentielle restait désormais une vue de l’esprit. Les Forces nouvelles n’appréciaient plus les méthodes Banny et Guillaume Soro était à une autre phase de sa maturation politique. Il ne voulait plus rien faire qui puisse faciliter le travail de Charles Konan Banny, de la même manière que leur attitude combinée aux ruses de Laurent Gbagbo, avait fini par mettre hors-jeu Seydou Diarra.

Après avoir un an plus tôt, échoué à être lui-même Premier ministre, Guillaume Soro semblait se dire que cette fois, c’était jouable. De son côté , Laurent Gbagbo ne voulait plus pédaler, ni poursuivre le tandem avec Charles Konan Banny. Pour cette raison, le chef de l’État était prêt à tout. Charles Konan Banny  semblait ne rien sentir, s’accrochant désespérément à la Primature (…)

 

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