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    Chronique Lundi – Côte d’Ivoire : développer une culture de la cybersécurité dans la stratégie nationale d’innovation et de digitalisation

    Chronique Lundi – Côte d’Ivoire : développer une culture de la cybersécurité dans la stratégie nationale d’innovation et de digitalisation
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 5 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    J’ai déjà publié, dans L’Intelligent d’Abidjan, deux chroniques sur la digitalisation en Afrique, notamment en Côte d’Ivoire (25 janvier et 1er Février 2021). J’écrivais : « À partir de 2007, l’initiative Connecter l’Afrique va permettre de développer l’Internet haut débit pour en faire un moteur de croissance économique. Le continent va bénéficier de 50 milliards de dollars US pour qu’il se dote d’infrastructures de télécommunications performantes.».

    Je constate que, 15 ans après, de nombreux pays africains, dont la Côte d’Ivoire, ont mis en place des stratégies de développement d’internet, afin de combler ce fossé numérique qui freine la croissance. Grâce à la révolution numérique et aux applications digitales, l’Afrique est en train de réaliser ce fameux « leapfrog », ou stratégie du « saut de la grenouille » pour qualifier le nouveau modèle de développement qui permet de sauter des étapes. J’écrivais que, depuis 2010, le web a permis « à tous les utilisateurs de partager des informations avec une facilité et une rapidité inconnues jusqu’à présent. Vont alors émerger pour les populations de nouvelles habitudes de communication et de consommation, pour les entreprises, de nouveaux modes de gestion, de production et de commercialisation, pour les administrations, de nouveaux modes de relation avec les usagers. ».

    Lire aussi : 1er Sommet de la Cybersécurité au Togo : Faire de la cybersécurité une priorité absolue des États africains

    Aujourd’hui, la révolution digitale est en train de s’accomplir en Afrique et plus particulièrement en Côte d’Ivoire. Historiquement, la Côte d’Ivoire a connu, sous Houphouët-Boigny, entre 1969 et 1970, un premier « miracle économique » avec 7 % de croissance en moyenne ; selon les observateurs, le pays a connu, sous la décennie Ouattara (2010-2020), un deuxième « miracle économique » avec une croissance en moyenne de 8 % ;  la révolution digitale, devrait permettre, au sortir de la crise sanitaire, de créer les conditions d’un troisième « miracle économique ». La digitalisation est un outil qu’il faut savoir utiliser, ce qui n’est rien, car les compétences s’acquièrent par la formation initiale ou continue, mais surtout qu’il faut savoir contrôler, les véritables enjeux étant ceux de la cybersécurité.

    Sécuriser l’espace digital ivoirien

    En validant la feuille de route du gouvernement pour la transition numérique de l’économie de la Côte d’Ivoire, le Président Alassane Ouattara a voulu mettre l’accent sur la cybersécurité. Le gouvernement a annoncé la mobilisation d’importants moyens pour lutter contre les cyber-délinquants à partir du constat suivant : les Ivoiriens sont les premières victimes depuis plusieurs années des « brouteurs », ces escrocs opérant sur Internet et les réseaux sociaux. Autres constats alarmants que fait l’Union africaine (UA) : la cybercriminalité coûte chaque année 3,5 milliards d’euros à l’ensemble du continent africain ; 80 % des ordinateurs d’Afrique de l’Ouest sont infectés par au moins un malware ou un virus. La présidence ivoirienne a donc fixé, comme priorité absolue, la mise en place, pour la période 2021-2025, d’une « Stratégie Nationale de Cybersécurité ». Ce sont 30 millions d’euros qui vont être immédiatement consacrés à la cybersécurité. Le gouvernement prévoit la création de deux structures: le Conseil National de Cybersécurité et l’Autorité Nationale de la Cybersécurité. La première structure sera chargée de « définir les orientations stratégiques et de piloter la mise en œuvre des plans d’actions » ; la seconde aura pour mission « la mise en œuvre des plans d’actions, la coordination de la gestion des crises de cybersécurité, la coordination des actions de protection des infrastructures critiques et des systèmes d’information publics et privés, ainsi que le pilotage des processus de prévention, de protection, de surveillance, de détection et de réponse aux incidents ». La priorité du gouvernement ivoirien est donc la sécurisation de son cyberespace national.

    Ne jamais détacher les questions de sécurité du soutien à la transformation numérique

    Je n’ai pas d’inquiétude sur la capacité du gouvernement à mettre en œuvre des stratégies d’innovation, en particulier le soutien à la transformation numérique. La volonté politique existe ; le pays étant solidement installé sur la trajectoire du développement, les appuis techniques et financiers ne manqueront pas ; la créativité de l’écosystème digital ivoirien est une réalité. La gouvernance et l’économie numériques étant des secteurs stratégiques, le gouvernement entend ne pas détacher les questions de sécurité du soutien à la transformation numérique. Le ministre de l’Économie numérique, des Télécommunications et de l’Innovation, Roger Adom, a déclaré : « La vision de l’État de Côte d’Ivoire dans la définition de sa stratégie est de soutenir la croissance de l’économie nationale par la fourniture aux citoyens et aux organisations d’un cyberespace sécurisé et de services numériques de confiance, et de devenir le leader régional en matière de cybersécurité ».

    Lire aussi : Déclaration commune: Sommet sur le financement des économies africaines (France)

    La digitalisation n’est qu’un outil au service de l’innovation dans tous les domaines : e-éducation, E-santé, e-finance, e-commerce, e-agriculture, e-gouvernement, e-administration, etc. Les grandes orientations des politiques publiques favorisent le développement de l’écosystème digital et l’éclosion des start-up en Côte d’Ivoire. Mais, pour Roger Adom, « Digitaliser sans protéger, c’est dangereux ». Alors qu’elle est  de plus en plus interconnectée, l’Afrique reste en en retard dans le domaine de la sécurité informatique. Le continent est particulièrement vulnérable aux cyberattaques. Pour Raymond Auphan, le patron de la société REEL IT, spécialisée dans le domaine de la digitalisation et de la cybersécurité, « avec la multiplication des attaques et la créativité des cyber-arnaqueurs, qui se réinventent avec l’évolution des technologies,  il est nécessaire de  développer, en Afrique francophone, une culture de la cybersécurité. ». La formation des compétences dans ce domaine représente un enjeu stratégique.

    Christian Gambotti, agrégé de l’université, 
    Président du think tank Afrique & Partage, 
    Directeur général de l’Université de l’Atlantique, politologue, éditorialiste. 

    Pour réagir à cette chronique : cg@afriquepartage.org

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