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Chronique du lundi -Commemoration, par le RHDP, du 29eme anniversaire de la disparition de Felix Houphouët-Boigny

Chronique du lundi -Commemoration, par le RHDP, du 29eme anniversaire de la disparition de Felix Houphouët-Boigny
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Christian Gambotti
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L’Houphouétisme, une philosophie politique fondée sur le pragmatisme

Le 7 décembre 2022, le RHDP est le seul parti qui a tenu à commémorer le 29è anniversaire de la disparition de Félix Houphouët-Boigny, le Père fondateur de la nation ivoirienne. Le Secrétaire Exécutif du RHDP, Cissé Bacongo, très actif depuis sa nomination, a su réunir un panel de haut niveau à l’occasion de cette journée de commémoration avec un double objectif : 1) définir l’Houphouétisme 2) montrer que l’Houphouétisme et le Ouattarisme incarnent une même philosophie politique.

L’historien Jean-Noël Loucou (1) définit ainsi l’Houphouétisme : « Je pense que comme Houphouët-Boigny aimait le dire lui-même : la politique est la saine appréciation des réalités du moment, bonnes ou mauvaises. Il a d’abord, pour des raisons tactiques, noué une alliance avec les communistes. Il a dû rompre cette alliance parlementaire en 1950. Ensuite il s’est allié à l’UDSR, l’Union démocratique et socialiste de la résistance de René Pleven et de François Mitterrand. Après l’Indépendance il sera, bien sûr avec les gaullistes. En fait c’était dans le monde bipolaire de la guerre froide, Houphouët avait choisi son camp, c’est-à-dire l’Occident et le projet de société libérale. Je pense qu’il est avant tout un pragmatique. » Ce pragmatisme, Cissé Bacongo, qui vient du RDR, et Justin Koffi N’Goran, issu du PDCI, le retrouvent chez Alassane Ouattara, qui a, comme Houphouët-Boigny, une « saine appréciation des réalités du moment ».

Le Professeur Justin Koffi N’Goran, Secrétaire national en charge de la Formation et de l’Institut politique, reprend le terme de « pragmatisme » pour définir la philosophie politique du Père de la nation : « Toute l’action du Président Houphouët-Boigny, de 1960 à 1993,  relève d’un pragmatisme qui lui permet de théoriser la nécessaire articulation qui doit exister entre l’Etat stratège, l’Etat libéral et l’Etat social. L’Etat stratège définit les grandes orientations des politiques publiques. L’Etat libéral crée les conditions qui vont permettre de libérer les initiatives et développer le secteur privé. L’Etat social s’efforce de garantir un ordre social inclusif, notamment pour les populations les plus fragiles. Le parti unique, qu’il faut regarder comme une réalité politique de l’époque, est, pour Houphouët, un instrument qui permet de jeter les bases de la nation, assurer la stabilité politique et conduire une politique volontariste de développement et de cohésion nationale. Le PDCI d’Houphouët-Boigny est un parti de masse qui rayonne sur tout le territoire, parce qu’il répond aux aspirations des couches les plus larges de la population. ».

Le pragmatisme est bien le maître-mot de la philosophie politique d’Houphouët-Boigny : ses années de combat contre le colonialisme le conduisent à être compagnon de route des communistes et à s’allier avec les socialistes. Dès l’indépendance de la Côte d’Ivoire, appelé à conduire les destinées du pays, Félix Houphouët-Boigny accepte d’appliquer les recettes du néolibéralisme, afin de permettre l’émergence d’une économie forte et la création de richesses sans lesquelles rien n’est possible. Sa grammaire est bien celle du pragmatisme, ce qui ne signifie pas avancer à tâtons, dériver au fil de l’eau, ne pas avoir de cap. Le cap de Félix Houphouët-Boigny est la construction d’une nation ivoirienne unie, prospère et solidaire.

De l’Houphouétisme au Ouattarisme

Le temps long qui s’étend de 1960 à 2022 permet d’établir un rapport de comparaison entre quatre périodes : 1960-1993, 1993-1999, 2000-2010 et 2011-2022. Tout simplification de l’Histoire est évidemment contestable, mais, nous pouvons définir ainsi chaque période : 1960-1993, le premier « miracle économique ivoirien », la stabilité politique et la cohésion nationale ; 1993 à 1999, le déclin de la Côte d’Ivoire, l’instabilité politique qui s’installe, l’instrumentalisation du concept d’« ivoirité » et le coup d’Etat de 1999 ; 2000-2010, le déclassement du pays, les soubresauts tragiques avec la partition de la Côte d’Ivoire de 2002 à 2003 et la grave crise postélectorale de 2010-2011 ; 2011-2022, la décennie Ouattara avec un second « miracle économique ivoirien » et le retour de la stabilité politique.

Pour Justin Koffi N’Goran, « depuis l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, jusqu’à la crise sanitaire de la Covid 19, la Côte d’Ivoire a connu une croissance forte et continue et son PIB a été multiplié par 2. Les investissements publics et les grands travaux d’infrastructures, voulus par le Président Ouattara ont transformé le visage du pays. Pour la Banque Mondiale, la Côte d’Ivoire est l’ « une des économies les plus dynamiques du continent » subsaharien et notre pays est devenu « la locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest francophone ». Aujourd’hui, notre économie, dont les bases sont solides, est suffisamment diversifiée et résiliente pour s’installer à nouveau sur la trajectoire d’un développement massif avec un objectif de croissance inclusive, malgré l’impact négatif de la crise sanitaire de la Covid 19 et de la guerre en Ukraine. »

Houphouët-Boigny et Ouattara ne s’appuient pas sur même socle de convictions. Ils vont pourtant arriver au même résultat. Houphouët-Boigny, ancien compagnon de route du parti communiste, mène un combat anticolonial depuis le socialisme historique. Ouattara, présenté comme un économiste libéral, fonde le RDR, un parti qui combat la forme socialiste du pouvoir et de l’économie. Or, par un renversement idéologique, que seul le pragmatisme autorise, Houphouët-Boigny applique les recettes du libéralisme pour créer de la richesse afin de réaliser « un social des plus hardis » et il construit l’indépendance de la Côte d’Ivoire avec l’ancien colonisateur.

Ouattara, dès son accession au pouvoir, applique les recettes du néolibéralisme, afin de se donner les moyens de bâtir un Etat social. L’un et l’autre assignent un même objectif à l’action politique et au développement économique, objectif que résume ce propos d’Houphouët-Boigny et que pourrait reprendre Ouattara : « Ce que veut l’Ivoirien, c’est le partage de la richesse et non de la misère. Et pour ce faire, il doit, avant tout, contribuer à créer ces richesses. » Houphouët-Boigny ne sera jamais prisonnier du socialisme doctrinaire. Alassane Ouattara refuse de se laisser enfermer dans les dogmes du libéralisme. Houphouët-Boigny ne rêve pas d’un Etat sans une économie forte. Alassane Ouattara n’imagine pas une économie sans un Etat protecteur. Félix Houphouët-Boigny et Alassane Ouattara se rejoignent sur un autre point : l’un et l’autre ne confondent pas l’Etat social, qui implique la responsabilité des citoyens, et l’Etat-providence, qui tend à déresponsabiliser les individus en laissant croire que l’Etat peut tout.

Pour les membres du RHDP, fondé le 18 mai 2005 comme simple coalition électorale et transformé en mouvement unifié et parti de masse le 16 juillet 2018, Alassane Ouattara est le seul héritier d’Houphouët-Boigny, dont il a été le seul et unique Premier ministre de 1990 à 1993. L’objectif de la « Vision 2030 pour la Côte d’Ivoire » voulue par Alassane Ouattara, qui vise à doubler le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant dans le pays d’ici à 2030 et bâtir une nation plus solidaire, ne peut être atteint sans cohésion sociale et sans « consentir, avec obstination au dialogue », selon la formule Houphouët-Boigny. L’action et les valeurs du Père de la nation restent constamment présentes dans l’esprit d’Alassane Ouattara qui sait qu’il reste de vastes chantiers à accomplir.

La très grande majorité des Ivoiriens n’a pas connu Houphouët-Boigny (77,3 % de la population ivoirienne ont moins de 35 ans). Pourtant, l’historien Jean-Noël Loucou, paraphrasant une formule déjà employée pour un autre grand homme (2), constate qu’aujourd’hui : « Tout Ivoirien a été, est ou sera Houphouétiste ». Les valeurs du Père de la nation sont définitivement ancrées dans l’imaginaire politique ivoirien. Sous l’impulsion du Président Alassane Ouattara, ces valeurs structurent l’action du gouvernement de Patrick Achi.

Christian Gambotti

Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@agriquepartage.org

____________________________

  1. Jean-Noël Loucou, historien, ancien Directeur de cabinet de Bédié, Secrétaire général de la Fondation Houphouët-Boigny pour la Recherche de la Paix.
  2. André Malraux, à propos du Général de Gaulle : « Tout le monde est, a été ou sera gaulliste ».
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