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Chronique du lundi : Olivier Kapo, la Côte d’Ivoire , l’Afrique et l’Arabie Saoudite

Chronique du lundi : Olivier Kapo, la Côte d’Ivoire , l’Afrique et l’Arabie Saoudite
Publié le
Par
Christian Gambotti
Lecture 7 minutes

Quels liens y’a-t-il entre  l’ex international footballeur ivoirien Olivier Kapo, la Côte d’Ivoire , l’Afrique et l’Arabie Saoudite ?

Dans sa chronique hebdomadaire dans L’intelligent d’Abidjan, Christian Gambotti parle des relations l’Arabie Saoudite avec l’Afrique et la Côte d’Ivoire, en évoquant un projet d’Olivier Kapo. La place de l’Afrique dans le système des relations internationales

Avec le CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain), rattaché à l’Université de l’Atlantique (Abidjan), nous lançons toute une série de conférences sur le thème « L’Afrique en débats » avec une déclinaison pour chaque pays : « La Côte d’Ivoire en débats », « Le Sénégal en débats », « Le Tchad en débats », etc. Tous les sujets seront abordés. 

Ces débats existent, notamment à l’IFRI (Institut Français de Relations Internationales), un think tank de réputation internationale, fondé et présidé par Thierry de Montbrial. L’IFRI publie, dans sa revue « L’Afrique en Questions », de nombreuses analyses sur l’Afrique subsaharienne qui font autorité. Ces analyses sur des sujets d’actualité et sous des formats courts, écrits par les meilleurs spécialistes, nourrissent le débat public sans esprit partisan. 

Il s’agit, pour le CERAD, de façon plus modeste et plus pédagogique, de donner des clefs de compréhension et d’action sur les enjeux et les perspectives des défis que l’Afrique d’aujourd’hui doit relever pour bâtir l’Afrique de demain. Parmi les grandes questions qui se posent à l’Afrique, celle de sa place dans le système des relations internationales est l’une des plus importantes.

L’Afrique d’aujourd’hui, qui est très courtisée, dispose des moyens pour écrire sa propre Histoire et choisir ses partenaires en se méfiant des promesses de ses anciens et nouveaux « amis » qui, en réalité, dans un monde multipolaire, la conduiraient vers de nouveaux asservissements.

L’Afrique et l’Arabie saoudite

L’idée de cette Chronique est venue d’un Edito du numéro 52 de la revue L’Afrique en Questions, publiée en 2020. Ecrit par Benjamin Baugé, chercheur associé à l’IFRI et rédacteur en chef de la lettre d’information Africa Energy Intelligence, cet Edito est consacré à la politique de l’Arabie Saoudite en Afrique. Pour Benjamin Baugé, « face à la montée en puissance diplomatique du Qatar, le Royaume cherche activement à consolider ses réseaux et ses intérêts sur le territoire africain. » 

En 2017, avec le soutien de Donald Trump, l’Arabie saoudite et la plupart des monarchies du Golfe ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Les raisons de la rivalité entre Ryad et Doha ont été largement documentées. Subissant l’embargo imposé par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte, le Qatar en a profité pour consolider son influence en Afrique en ouvrant, depuis juin 2017, un grand nombre de postes diplomatiques. Après trois années de brouille, l’Arabie saoudite et le Qatar ont validé, en 2020, un accord de réconciliation dans l’intérêt des pays du Golfe. Mais, la concurrence entre les deux monarchies pétrolières reste forte.

Alors qu’elle est présente en Afrique depuis les années 1970, l’Arabie saoudite prend consciente de son retard et de l’influence grandissante du Qatar sur le continent africain. Le Royaume, dont les investissements économiques sont encore peu importants en Afrique subsaharienne, s’est vu dans l’obligation de se mobiliser pour contrer l’influence de son voisin qatari, très présent sur la scène internationale et en Afrique. Pour assurer sa présence en Afrique, l’Arabie saoudite, déjà influente dans les pays musulmans de la Corne de l’Afrique et en Afrique de l’Ouest,  dispose d’un atout important : le « hadj » qui attire chaque année des millions de pèlerins sur les Lieux saints de l’islam à La Mecque et à Médine, où se situe la mosquée du Prophète. 

Pour Benjamin Augé, le « hadj » « confère au Royaume une aura politique et symbolique prépondérant » que vient renforcer aujourd’hui la politisation de l’islam. Benjamin Augé ajoute : « face à la montée en puissance diplomatique du Qatar, le Royaume cherche activement à consolider ses réseaux et ses intérêts sur le territoire africain ». L’Afrique est-elle pour autant devenue une priorité pour la politique étrangère de Ryad ? Si l’Arabie saoudite tient à jouer un rôle géopolitique et géostratégique en Afrique, le Royaume « ne semble pas envisager l’Afrique comme une zone de projection de son économie. Ses investissements y restent encore confidentiels comparés aux dons et coopérations fonctionnant avec l’argent de la « zakât ». Troisième pilier de l’islam, la  « zakât » se traduit, sur la scène internationale, par l’obligation pour les pays les plus riches d’aider les pays les plus pauvres.

De l’influence à une présence active en Afrique ?

L’influence de l’Arabie saoudite en Afrique se joue de quatre manières : 1) l’influence religieuse 2) les dons aux pays africains 3) les prêts 4) un réseau de diplomates expérimentés implanté en Afrique depuis plus de cinq décennies. Selon Benjamin Augé, « le Royaume ne semble toujours pas envisager l’Afrique comme une zone de projection de son économie » et « les initiatives économiques y restent encore très timides. » L’Arabie Saoudite se contente de quelques investissements dans des secteurs-clefs (chimie, pétrole, solaire). En revanche, elle accentue sa présence dans l’agriculture afin d’acquérir des terres arables pour assurer les besoins en nourriture du Royaume. Peu présente économiquement et militairement, l’Arabie saoudite déploie en Afrique un activisme diplomatique important, notamment dans sa zone d’influence (bande sahélienne, particulièrement en Mauritanie, Corne de l’Afrique, Afrique du Sud, Egypte…), où elle multiplie les appuis politiques et financiers. Si elle contribue au financement du G5 Sahel (devenu un « G4 » depuis le départ du Mali), elle ne s’engage pas dans une coopération opérationnelle et la livraison de matériel, contrairement aux Emirats Arabes Unis (EAU).

Quatre vecteurs-clefs de l’influence saoudienne : le FSD, la BID, l’OPEP et l’Islam

L’influence saoudienne s’appuie sur 4 vecteurs-clefs : le FSD, la BID, l’OPEP et l’Islam. Créé en 1975, le FSD (Fonds Saoudien pour le Développement) attribue à l’Afrique, sous forme de dons ou de prêts, 52 % des sommes décaissées, soit plus de 4 milliards de dollars destinés à financer la santé, l’école, l’accès à l’eau et à l’électricité, etc. 18 pays d’une Afrique de l’Ouest élargie, – puisqu’on y retrouve la Somalie, le Gabon ou le Tchad -, bénéficient des financements du FSD. Au Sahel, la Mauritanie, l’un des piliers de la politique africaine du royaume wahhabite depuis longtemps, est le principal bénéficiaire des crédits du FSD. Autre vecteur d’influence, la Banque Islamique de Développement (BID), créée en 1973 et dont le siège est à Djeddah. Si la BID compte 57 pays membres actionnaires, Ryad, qui détient 23,5 % du capital, y joue un rôle important. L’Afrique reçoit actuellement 23 % des fonds consentis par la BID. L’influence de l’Arabie saoudite est aussi très importante au sein de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), dont 7 pays africains sur 14 sont membres. Autre vecteur d’influence, l’Islam, qui, spirituellement et politiquement, confère à l’Arabie saoudite un poids symbolique fort en Afrique.

La Côte d’Ivoire et l’Arabie saoudite

Depuis l’établissement de leurs relations diplomatiques en 1993, le rapprochement entre la Côte d’Ivoire et l’Arabie saoudite s’est accéléré avec l’arrivée du Président Alassane Ouattara au pouvoir. Le ministre d’État saoudien chargé des pays africains, Ahmad Ben Abdelaziz Kattan, lors de sa visite à Abidjan, a tenu à souligner le prestige dont jouit le Président ivoirien Alassane Ouattara auprès du Roi saoudien et du Prince héritier. 

En septembre 2019, lors d’une visite d’État à Djeddah, à l’invitation du roi Salmane, Alassane Ouattara a rencontré le ministre saoudien des Affaires étrangères, Ibrahim Abdulaziz Al Assaf, et le président du Fonds Saoudien de Développement (FSD), Ahmed Bin Ageel Al Katib. Cette rencontre a permis de renforcer la coopération entre les deux pays. Récemment, le gouvernement ivoirien a adopté un décret portant ratification de l’Accord-cadre de coopération entre les deux pays signé le 5 février 2021 à Abidjan. La Côte d’Ivoire aura ainsi plus facilement accès au FIS (Fonds d’Investissement Saoudien). À l’image de ce que fait le Qatar, la diplomatie sportive fait partie des nouveaux domaines investis par le prince héritier Mohammed Ben Salmane. L’ancien footballeur international Olivier Kapo s’appuie sur ses relais en Arabie saoudite pour développer à Abidjan son centre de formation inspiré de celui des clubs professionnels comme le PSG ou Auxerre.  

Christian GAMBOTTI –  Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@agriquepartage.org

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