Le lundi 8 novembre 2021, à Abidjan, le Premier ministre Patrick Achi a tenu une conférence de presse sur l’action gouvernementale, dévoilant les grandes perspectives de l’action gouvernementale à travers 4 piliers principaux : 1. L’accélération des chantiers d’infrastructures stratégiques 2. L’accélération des chantiers de transformation de l’économie ivoirienne 3. La mise en œuvre d’un Programme social du gouvernement 2 (Psgouv2) 4. La reprise du dialogue politique avec l’opposition.
Ce qui pourrait être une conférence de presse banale, convenue, avec le traditionnel déroulé d’un bilan et d’un programme, est, en réalité, l’acte fondateur d’une Côte d’Ivoire réinventée et qui, pour deux raisons, entre dans une ère nouvelle. La première raison est politique. Cette conférence est prononcée par un Premier ministre qui incarne la transformation de la politique ivoirienne voulue par le Président Alassane Ouattara avec la création du RHDP. Alors que les grands partis politiques ivoiriens se sont développés sur un ancrage ethnique et territorial, le RHDP apparaît comme un mouvement transethnique et transgéographique avec des élus et des représentants sur tout le territoire.
Patrick Achi vient du PDCI et il n’est pas du Nord. La portée de sa parole et son engagement politique débordent l’ancien périmètre ethnique et géographique du RDR. Ouattara aura eu le mérite, lors de son troisième mandat, de vouloir sortir d’un multipartisme historiquement dévoyé par les conflits ethniques, recréant ainsi l’élan unitaire voulu par Houphouët-Boigny à l’époque du parti unique. La deuxième raison est le bilan de la décennie Ouattara 2010-2020, un bilan, selon tous les observateurs, plutôt flatteur avec une croissance économique record. Selon la Banque mondiale, « La Côte d’Ivoire est une des économies les plus dynamiques d’Afrique subsaharienne ».
Le pilier de l’accélération des infrastructures stratégiques
L’accélération des chantiers d’infrastructures stratégiques afin d’accélérer et de consolider la croissance de la Côte d’ Ivoire reste une priorité absolue. Il s’agit de réaliser des infrastructures aux normes internationales, notamment l’extension de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny, l’extension et l’achèvement des terminaux à conteneurs et industriels du port de San Pedro, la poursuite de la réalisation du Métro d’Abidjan et la réalisation des infrastructures de la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) que la Côte d’Ivoire accueille dès juin 2023. Le port de San Pedro, le plus grand port cacaoyer du monde, le deuxième poumon économique du pays, est un cas d’école avec son extension, sa modernisation et la diversification des trafics à côté des flux traditionnels que sont le cacao, l’huile de palme, le caoutchouc ou encore les produits cimentiers. Il est prévu la construction d’un terminal minéralier pour l’exploitation des gisements nationaux. La réfection de la côtière Abidjan-San Pedro (333 kms), longtemps sinistrée, fait dire que San Pedro, avec la promesse du développement économique, industriel et touristique, est un « nouvel Eldorado ».
Le pilier de l’accélération de la transformation de l’économie ivoirienne
La forte croissance économique de la Côte d’Ivoire, ces dix dernières années, avant la Covid 19, s’explique essentiellement par les investissements de l’Etat. En 2019, les travaux publics et les investissements de l’Etat ont constitué, avec le secteur du bâtiment, les principaux moteurs de la croissance. En 2022, après le choc provoqué par la pandémie, la reprise économique doit davantage s’appuyer sur le secteur privé, ce qui suppose une accélération de la transformation de l’économie ivoirienne, l’amélioration de l’environnement des affaires, l’accès au financement des PME et TPE, le renforcement des capacités du monde agricole et le développement du capital humain. Pour le gouvernement de Patrick Achi, l’agenda prioritaire, afin de développer les exportations, le secteur manufacturier et les services, créateurs d’emplois et de meilleurs salaires, est celui des réformes structurelles et de l’amélioration de la gouvernance. Le Premier Ministre a annoncé le lancement du programme des « champions nationaux », « clé pour renforcer le secteur industriel et accroître sa compétitivité », ainsi que la promulgation d’un « Start Up Act », afin de « favoriser l’éclosion d’acteurs numériques majeurs en Côte d’Ivoire ». La Côte d’Ivoire doit en effet relever le défi de la révolution numérique et des applications digitales.
Le pilier social avec le « Psgouv2 » : Programme social du gouvernement2
Le principal défi reste pour le gouvernement ivoirien la mise en œuvre d’un agenda social qui débouche sur l’amélioration véritable des conditions de vie des Ivoiriens. Le Chef du gouvernement a annoncé la mise en œuvre, dès janvier 2022, d’un Programme social du gouvernement 2 (Psgouv2), Le Groupe de la Banque mondiale, constatant les insuffisances de la politique sociale, a toujours recommandé le développement d’une économie plus inclusive et un meilleur partage des richesses. Le « Psgouv 2 » permettra de lutter contre la fragilité dans les zones Nord frontalières, qui sont sous la menace des attaques terroristes, renforcer l’éducation et la formation, faciliter l’insertion professionnelle des jeunes. Autres objectifs du « Psgouv2 » : améliorer les conditions de vie des populations en milieu rural, favoriser la couverture sociale des populations précaires, permettre à tous ceux qui remplissent les conditions de bénéficier de logements sociaux.
Le pilier politique
Depuis 2011, le retour de la stabilité politique, sans laquelle rien n’est possible, ne peut être contestée. Toutes les élections ont eu lieu aux dates fixées, tous les partis politiques ont participé aux dernières élections législatives, ce qui permet aujourd’hui de travailler sur la réconciliation nationale. Patrick Achi a annoncé la reprise du dialogue politique avec l’opposition dès décembre 2021. Cette reprise n’exclut pas que, dans le respect du cadre démocratique, s’affrontent des partis politiques qui proposent des orientations différentes. La démocratie ne doit pas entretenir l’illusion du consensus, ni tomber dans les deux pièges que lui tend la politique politicienne à courte vue, celui des alliances électorales de pure circonstance et celui d’un appel au vote ethnique.
Christian GAMBOTTI,
Agrégé de l’Université,
Président du think tank Afrique & Partage
CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) –
Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone –
Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs africains.