Du 28 juillet au 6 août 2023 ont eu lieu à Kinshasa en République Démocratique du Congo (RDC), les 9èmes Jeux de la Francophonie. Au terme de ce rendez-vous qui a vu la participation de huit pays, Emmanuel Kande, le Coordinateur Général des rencontres de football dresse le bilan de cette compétition en mettant en avant la survie de langue française. Il a également loué les qualités du président Sory Diabaté, le Délégué Technique FIFA pour les Jeux de la Francophonie.
S’il y a un homme qui était au four et au moulin de ces Jeux de Kinshasa 2023, c’est bien le Congolais Emmanuel Kande. Coordinateur Général de la compétition football, il a organisé des mains de maître cette épreuve qui a connu un plein succès. Dans cet entretien qu’il a accordé à afrikipresse.fr au soir de la finale, il est longuement revenu sur l’organisation technique des matches. Au passage, il a rendu hommage l’homme-orchestre de ce tournoi, l’Ivoirien Sory Diabaté.
-Afrikipresse.fr : Que retenez- vous de ces Jeux à Kinshasa ?
Emmanuel Kande : Avant toute chose, je voudrais féliciter le premier citoyen des Congolais, le président Félix Antoine Tshisekedi qui a cru en ces Jeux. En tant que membre de la Commision des compétitions comme référent football, nous avons travaillé durant trois ans et au vu des difficultés que nous avons rencontrées pour la réalisation de ces Jeux, nombreux étaient ceux qui ne croyaient en la capacité de la RD Congo à pouvoir les organiser. Permettez en tant que fils du pays, en tant que Congolais de savourer ma joie pour cette belle fête. Nous avons eu des moments de partage et d’échanges avec d’autres peuples et le mérite revient au premier citoyen, le président de la République.
-afrikpresse : Et si vous devez dresser un bilan qu’est-ce que vous avez à dire ?
EK : Pour nous au football, le bilan est très satisfaisant en dépit de quelques difficultés qui ne sont pas liées l’organisation. A la base, nous attendions 16 pays mais pour finir, nous nous sommes retrouvés avec 8 pays pour 15 matches organisés. Nous avons vécu des matches de haute facture avec des pays déterminés qui ont pour la plupart, joué des tournois zonaux. C’est pourquoi le niveau technique du tournoi était très élevé. C’est notre satisfaction. Je crois que cette tribune a permis aux sélections de réajuster certaines choses et de faire des projections notamment sur l’avenir dans la progression des équipes d’âges.
-Cette compétition a connu un début difficile. A quoi cela était-il dû ?
Je pense, sans pour autant faire un procès à qui que ce soit que l’orientation a manqué un peu. Nous avions besoin d’un vrai leadership au niveau de la direction des Jeux au plan national bien entendu. Je reconnais que nous avons connu des moments de vacillement parce que nous manquions d’un peu d’expertise à la tête. Mais nous avons eu le temps de vite regarder les choses pour prendre la bonne marche. Il faut mettre cela sur le compte de l’apprentissage. C’était une grande première. La RD Congo est en train de renaître même si tout le monde reconnaît qu’elle reste une géante en Afrique. Mais c’est aussi la toute première fois qu’un tel évènement sportif est organisé en termes de sport. Il est vrai que certains parleront du combat de boxe Mohamed Ali-Georges Foreman dans un passé lointain mais je ne pense pas que nous ayons eu le même dispositif, le même budget, et la même affluence dans l’organisation des Jeux. Je pense que malgré les balbutiements du debut, nous sommes sortis grandis de cet événement et il appartient à la RD Congo de s’en servir pour préparer d’autres grandes compétitions.
-Selon vous que devons-nous retenir de la participation des équipes ?
Comme je l’ai dit, il y a eu un engagement des équipes. Il est vrai qu’on parle de jeux et que ce ne sont pas des compétitions de la CAF et de la FIFA mais il y a eu un engagement, une détermination des équipes. Pour moi, c’était une petite CAN. En dehors des pays du Nord nous avons eu des sélections de grandes zones de football comme l’Afrique Centrale avec le Congo, la RDC et le Cameroun et le l’Afrique de l’Ouest avec le Sénégal, le Burkina, le Bénin et le Niger. Donc ce tournoi a permis aux fédérations de préparer l’avenir.
-Pouvez-vous nous dire les points positifs et négatifs de ces Jeux ?
Je suis coordonnateur général avec la CAF donc si j’ai eu des soucis c’est sur le plan organisationnel. Nous avons manqué d’escorte ce qui fait que les équipes sont arrivées au stade sans escorte, le village des Jeux était situé à plus d’une heure de route, alors que la RD Congo y a mis les moyens, il y a eu du matériel que nous avons reçus le jour même de la finale alors qu’il devait être là avant…Bon je vous l’ai dit, je mets tout cela sur le compte de l’apprentissage. Pour la RD Congo, c’est un bébé qui vient de naître. Ma satisfaction, c’est la médaille reçue des mains du président de la République devant près de 100 mille personnes présents au stade et des millions de téléspectateurs francophones à travers le monde. C’est un meilleur souvenir.
-Quelle est l’équipe qui vous a donné le plus satisfaction ?
Il est très difficile de la dire mais mon choix se porte sur le Niger. Franchement j’ai apprécié l’esprit de cette équipe. Cette délégation est arrivée au moment où son pays connaissait un putsch. Je me suis dit elle allait repartir mais elle est restée, elle a joué jusqu’à atteindre la demi-finale et a remporté la médaille de bronze. Elle m’a impressionné, elle est restée francophone jusqu’au bout en dépit des problèmes politiques dans son pays. Par contre, la RDC m’a déçu. Un pays organisateur ne se fait pas éliminer au premier tour. Il est vrai qu’il y a manqué la préparation mais ce sont des problèmes en interne. Elle a été une grosse déception. Si elle s’était mieux préparée elle aurait fait mieux. Maintenant, il y a eu du public, nous avons 20 à 30 personnes comme moyenne par match alors que la RD Congo n’était pas concernée par ces matches. Imaginez si elle s’était qualifiée pour la finale. Et dire qu’il y a eu aussi le forfait de certains pays. C’est un signal fort en direction des organisateurs. Mais je pense que ces pays doivent avoir l’esprit francophone et revenir aux compétitions lors des prochaines éditions.
-Pour une compétition de grande envergure, il n’y a eu que quatre arbitres et cinq arbitres-assistants. Pourquoi ?
Il faut que les pays francophones sachent que nous avons une menace qui vient de nos amis anglophones. Alors il faut que nous valorisions nos compétitions. Il est dit dans le règlement que chaque pays arrive avec un arbitre parce que cela permet des échanges. Nous avons eu ici des techniciens, des délégués… La FIFA nous a désignés des responsables d’arbitrage pour la compétition. Malheureusement, certains sont arrivés sans arbitre. De plus, il y a eu le forfait de certains pays pourtant annoncés. C’est tout cela qui a causé cette situation. Il faudrait qu’à l’avenir on privilégie des arbitres comme le font la CAF et la FIFA en oubliant l’intégration automatique des arbitres dans les délégations.
-En plus de l’arbitrage, sur quels aspects voudriez-vous qu’on mette l’accent lors des prochains jeux ?
J’ai appris dans les coulisses que les prochains jeux auront lieu Arménie. J’attends l’information officielle. Mais quel que soit le pays, il faut que les États prennent un engagement fort. Cela est très important. La langue française est menacée. Elle ne doit pas mourir mais elle doit vivre au moyen de ces jeux. C’est une tribune, un canal d’échanges entre divers pays d’Europe, d’Asie… Les Jeux ne sont pas seulement le sport, il y a aussi la culture, l’art. Il faut que les peuples qui ont en partage le français arrivent vite à se retrouver, à échanger et à encourager, à parler cette langue parlée par des millions de personnes mais menacée par la langue anglaise pour faire des Jeux de la Francophonie l’une des plus belles fêtes après les Jeux Olympiques.
-À partir de ce rendez-vous est-ce que la RDC compte organiser de grandes compétitions tels la CAN, le CHAN ?
Bien sûr. Vous savez, ce qui a manqué à ce pays après 60 ans d’indépendance, c’est le manque d’infrastructures. Si en début de propos, j’ai félicité le chef de l’État, c’est que les Congolais se sont rendus compte qu’il y a une volonté politique. Pour son premier mandat, il a doté le pays d’infrastructures sportives. Il est vrai que nous avons eu le Stade Tata Raphaël où était basée notre poule mais les Congolais n’en revenaient pas. Ce stade a été abandonné après 1974 où avait eu lieu le combat Mohamed Ali contre Georges Foreman mais aujourd’hui, il est réhabilité par la volonté du président Félix Tshisekedi. Nous avons eu également des gymnases. Est-ce normal qu’un pays potentiellement aussi riche comme la RDC n’ait pas de gymnase après 60 ans d’existence ? En se dotant d’infrastructures sportives dignes de noms, la RD Congo va concurrencer les autres nations. Je voudrais terminer en remerciant quelqu’un. Nous avons travaillé, nous avons été coachés sous la houlette d’un homme, le président Sory Diabaté. Il faut le féliciter et le remercier pour son engagement en tant que citoyen du monde et fier francophone, nous avons bénéficié de son encadrement dans l’organisation des matches. Et nous lui souhaitons plein succès et bon vent. Nous sommes ses jeunes frères, nous avons beaucoup apprécié ses qualités. Nous espérons le revoir dans d’autres circonstances toujours dans l’encadrement de la jeunesse.
Entretien réalisé a Kinshasa par Adou Mel