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Mali : leçons de la rétractation du projet de référendum sur la révision constitutionnelle

Mali : leçons de la rétractation du projet de référendum sur la révision constitutionnelle
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Par
Charles Kouassi
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Le vendredi 18 août 2017, Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar Keita, Président de la République du Mali, dans son adresse à la nation, a décidé de surseoir au projet de référendum sur la révision constitutionnelle, après une large concertation avec les forces vives de la nation, notamment les principales grandes familles fondatrices de Bamako, les religieux, les leaders d’opinions, les chefs de quartiers, les partis politiques, les associations de jeunesse et de femmes, les syndicats, l’ordre des avocats, les artistes etc.

La décision courageuse, responsable, sage et pragmatique du Chef de l’Etat était prévisible, pour l’honneur et l’intérêt du Mali dans la paix sociale et le vivre ensemble, nonobstant les engagements pris au niveau de la communauté internationale et la mobilisation de la majorité présidentielle en faveur de la tenue du référendum. Par son initiative de paix, d’union et de cohésion sociale, le Président IBK n’a pas voulu prendre le risque de ni insulter l’avenir ni entrer dans l’avenir à reculons en embrasant le pays face au piège terroriste de déstabilisation sous régionale, à la recrudescence de l’insécurité dans les régions du centre et du nord du Mali, ventre mou de la guerre asymétrique dans la bande sahélienne où il y’a une attaque terroriste chaque semaine.

Disons la vérité qui est au dessus de tout et de quiconque, le projet de référendum sur la révision constitutionnelle était un mauvais projet, en raison de sa mauvaise conception, de sa mauvaise formulation, de son mauvais timing, de ses insuffisances. Non seulement il a été retoqué par la Cour constitutionnelle du Mali, le 5 juin 2017 mais aussi il a été l’objet d’observations au plan international sur le manque d’approche participative et constructive dans l’élaboration du projet. Face à la majorité présidentielle molle et à court d’arguments convaincants, le front du non à la révision constitutionnelle s’est non seulement imposé par sa démarche qualité persuasion, son mouvement de masse organisé et méthodique sans casse, vol, pillage, destruction, dommages collatéraux au cours des marches pacifiques dans la ville de Bamako,  mais également a gagné la bataille de l’opinion et des réseaux sociaux sur la préoccupation majeure du peuple, illustrant le macronisme malien en marche.
 
Pour comprendre la nature du conflit au Sahel entre le Mali et la Coordination des Mouvements de l’AZAWAD au plan historique, géographique, juridique et du droit humain, économique, commercial, financier, social, de la défense du territoire national et de la protection de l’environnement pour dégager des pistes de réflexion de stabilisation vers une paix définitive, appropriée et durable, il faut avoir à l’esprit qu’en peinture l’homme de la préhistoire se servait du relief pour faire la perspective. Pour comprendre la frustration du peuple malien et de l’homme de la rue qui a adoubé Monsieur François Hollande en 2013 et doute de la sincérité de la France en 2017, il convient de noter utilement que sous l’égide de l’Algérie et de la communauté internationale, un accord partiel de paix avec les groupes armés du nord du pays a été paraphé par le Gouvernement du Mali, le 1er Mars 2015 à Alger. Face aux contradictions internes entre les forces centrifuges et centripètes, la Coordination des Mouvements de l’AZAWAD (CMA) n’a pas paraphé l’accord. Elle a demandé un délai d’un mois pour consulter sa base et convaincre ses populations qu’elle a représentées aux négociations pendant sept mois. La CMA qui représente cinq (5) groupes rebelles, a estimé que l’accord de paix préliminaire d’Alger constituait une bonne base pour la poursuite des discussions, mais qu’il ne répondait pas en l’état aux aspirations du peuple touareg et devait être amélioré. Après maintes concessions aux groupes rebelles, l’accord d’Alger a été signé en 2016 à Bamako parce qu’aucun sacrifice n’est grand pour la paix au Mali. L’accord d’Alger ne parle ni d’autonomie ni de fédéralisme. C’était sans doute le principal motif du refus de la CMA de le parapher en 2015. Les cinq (5) gains tangibles et incompressibles obtenus par le Gouvernement malien dans l’accord sont

1. le respect de l’unité nationale;

2. le respect de l’intégrité territoriale;

3. le respect de la souveraineté de l’Etat du Mali;

4. le respect de sa forme républicaine;

5. le respect de son caractère laïc.

Peu importe la vitesse à laquelle voyage le mensonge, la vérité arrive toujours la première. Force est de constater que depuis la signature solennelle de L’accord d’Alger, l’administration malienne peine à se déployer à Kidal, pour y exercer ses tâches, ses fonctions, ses responsabilités et ses missions régaliennes, sous les yeux complaisants, indifférents et complices des amis du Mali, qui difficilement arrivent à faire bouger les lignes, en terme de sanctions du Conseil de Sécurité, comme par exemple l’interdiction de voyager et le gel des avoirs contre tous ceux impliqués dans le piétinement, l’enlisement et le pourrissement de l’accord d’Alger. Ce n’est pas le bruit des bottes qui est le plus terrible, c’est le silence des pantoufles.

Pour la Coordination des Mouvements de l’AZAWAD (CMA), les régions de Kidal, Gao et Tombouctou constituent l’AZAWAD qui réclame l’autonomie ou le fédéralisme comme l’aspiration majeure du peuple touareg oubliant par manque de vision la coexistence pacifique, le brassage, le métissage et la présence des autres populations tamachek, soninke, sonrai etc dans lesdites régions.

Le problème de la rébellion du MLNA n’est toujours pas définitivement et durablement réglé. Il y’a encore des rebelles qui ne sont ni arrêtés ni jugés. Le gouvernement malien a fait sa part de larges concessions en intégrant ces rebelles sans procès / sans verdict au nom et pour la paix, qui n’est pas un vain mot mais un comportement. Les populations de Kidal, de Gao et Tombouctou sont divisées entre les nationalistes qui expriment leur ferme volonté de rester au Mali, les autonomistes qui veulent l’autonomie ou le fédéralisme et les radicaux qui veulent la séparation pure et simple du Mali et la création de l’AZAWAD par les armes. Les populations à Kidal ne sont pas représentatives de la CMA. Elles sont manipulées et prises en otages contre leur gré. Beaucoup de ceux qui grossissent les rangs des populations à Kidal, Gao et Tombouktou ne sont pas des citoyens maliens de souche. Ils viennent de Libye, de l’Algérie, de la Mauritanie, de la Tunisie. Ils sont composés d’anciens soldats de l’armée libyenne, de déserteurs et rescapés  de Libye avant la mort de Kaddafi le 20 Octobre 2011, de trafiquants d’armes et de drogue, en quête d’une zone d’économie souterraine et de libre échange mafieux, de sédentarisation et de sans droit au Sahel, loin du nomadisme et de la traque sans relâche à l’aide des satellites et des moyens sophistiqués d’écoute, de repérage, de détection et de surveillance de la communauté internationale, des organisations de défense et de sécurité régionales décidées à découdre avec le terrorisme, l’intolérance religieuse et l’économie parallèle liée au trafic de drogue, au trafic d’êtres humains, des armes lourdes et légères ainsi qu’à la prise d’otages et au paiement de rançon.

Pour lutter contre le terrorisme sur son sol, le Mali ne doit pas compter seulement sur la coopération internationale. Le pays doit combattre le terrorisme de l’intérieur en y impliquant ses forces de défense et de sécurité, ses initiatives de stabilisation et de paix, ses propres ressources financières et ses populations, ses reformes de décentralisation à l’effet d’éradiquer la pauvreté et le chômage de longue durée de la jeunesse désœuvrée sans repère, terreaux fertiles à la détection, au lavage de cerveau et au recrutement des terroristes. Sous ce prisme, il faut d’abord prendre possession de la tête et du mental du terroriste par la persuasion, l’engagement pour la paix, la sensibilisation, la mobilisation, l’organisation, la méthode, l’éducation et la formation religieuse pour anticiper le mal avant coup, résorber sa capacité de nuisance, sa contagion et son effet domino au plan sous régional;

La coopération internationale et sous régionale contre le terrorisme est souhaitable mais elle doit être comprise comme rentable par les grandes puissances non comme une aide à sens unique à l’Afrique mais i) comme leur devoir dans la protection de leurs intérêts vitaux, avant que le montre sans visage à la capacité de nuisance tentaculaire ne frappe par surprise sur leur sol, dans les efforts inlassables de casser la régulation de la flore terroriste et de sa résistance croisée contre l’occident et l’Afrique, en mettant les consciences en éveil, en prévenant le mal, en avertissant de l’existence du mal et en agissant contre le mal avec vigueur et rigueur, avec précision et en profondeur ii) comme leur sacerdoce d’activer tous les relais en Afrique et dans le monde, en évitant de permettre au terroriste d’avoir un nom, une signature, une marque de fabrique et un statut via les réseaux sociaux, la presse écrite et audiovisuelle, d’amplifier les moyens de détection, de surveillance, de prévention et d’atténuation des risques émergents d’actes terroristes en préparation , en ciblage, en maturation d’objectif pour attaque surprise imminente.

Après sa mobilisation de masse pacifique exceptionnelle, le front du non contre la révision constitutionnelle doit avoir le triomphe modeste, adopter le profil bas et avoir la modestie de ne pas croire qu’il est l’architecte d’une révolution de masse dans l’intolérance, l’arrogance et l’ignorance. Le Président IBK doit capitaliser sa montée dans l’opinion pour non seulement projeter de lui même l’image de Chef de l’Etat rassembleur au travail, mais aussi pour s’attaquer à l’insécurité, à la corruption, à la mauvaise gouvernance démocratique, économique, juridique, judiciaire et d’entreprise, facteurs réducteurs de croissance économique partagée et inclusive, de développement et de prospérité au Mali.
                                                                    

Laurent Maurice Kouakou
Chroniqueur expert consultant

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Mots clés :IBKMalirévision constitutionnelle


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