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Musique, Afrobeat : Le dialogue Nord-Sud de Fela Kuti et Ginger Baker

Musique, Afrobeat : Le dialogue Nord-Sud de Fela Kuti et Ginger Baker
Publié le
Par
Charles Kouassi
Lecture 3 minutes

Produit d’une des rencontres clés entre musiciens africains et occidentaux de l’ère moderne, Fela with Ginger Baker Live! est l’un des six albums du Nigérian Fela Kuti qui viennent d’être remis sur le marché en 33 tours, après la réédition totale de son œuvre en CD l’an dernier.

 

Le contexte, d’abord : à la fin des années 60, alors qu’il peine à s’imposer dans son pays face à l’arrivée de la soul made in Ghana, Fela s’envole aux États-Unis avec ses musiciens. Une tournée organisée sur le mode de la débrouillardise. L’impact de ce séjour de dix mois s’avère déterminant, en particulier sur sa “façon d’appréhender la vie”, comme il l’explique dans Fela, le combattant de Mabinuori Kayode Idowu. Les thèses de Malcolm X, le mouvement des Back Panthers, avec en toile de fond le panafricanisme ne le laissent pas de marbre. L’homme de 32 ans qui revient à Lagos en 1970, alors que la guère du Biafra s’achève, est transformé. Le changement passe en premier lieu par les symboles : son groupe Koola Lobitos, qui proposait à l’origine une sorte de jazz-highlife, devient Nigeria 70, puis très vite Africa 70.

A la même époque, marquée chez les musiciens occidentaux par une envie d’ailleurs, entre mysticisme et exotisme, le batteur Ginger Baker, cofondateur avec Eric Clapton du groupe de rock Cream, veut tenter l’aventure en Afrique. Outre-Manche, quelques liens se sont déjà noués avec des instrumentistes originaires des ex-colonies du Commonwealth que sont le Ghana ou le Nigéria. D’ailleurs, Baker connaissait Fela depuis que celui-ci avait habité Londres au début des années 60, où il était venu étudier. Tombé sous le charme de la musique qu’il entend sur place, le Britannique envisage une collaboration réciproque. “Fela Ransome-Kuti and Africa 70 with Ginger Baker Live! a été enregistré tout juste en quelques heures et j’en suis toujours très fier […] La session entière a été vraiment très éclectique et nous étions tous convaincus que l’afrobeat allait devenir quelque chose de grand”, raconte Ginger Baker dans son autobiographie Hellraiser publiée en 2010.

Que le disque ait à peine plus de quarante ans n’empêche pas que sa conception fasse l’objet de versions très différentes. Selon celle officielle, l’action se serait déroulée dans les studios londoniens d’Abbey Road (où Fela enregistra cette même année les morceaux d’Afrodisiac, 33 tours paru en 1972) transformés pour l’occasion en salle de concert afin que les 150 spectateurs privilégiés puissent contribuer eux-aussi à l’ambiance du live. D’autres, comme le rapporte Avram Maverick dans Got Live album if You Want : 100 Live Recordings to Consider, estiment que c’est le studio mobile apporté par le batteur de Cream qui a servi lorsque le matériel est arrivé au Nigéria – son périple est relaté par le film documentaire Ginger Baker in Africa.

Les quatre chansons, dont trois dépassent les douze minutes (un format habituel pour Fela), sentent la provocation, qu’elle soit à connotation machiste avec Let’s Start, ou politique avec Black Man’s Cry. Le batteur emblématique de la formation de Fela, Tony Allen, conjugue son talent à celui de Ginger Baker sur Ye Ye De Smell où tous deux y vont de leur solo. La machine afrobeat tourne à plein régime.

Sur cette lancée, le Britannique profite de son album Stratavarious en 1972 pour laisser une place de choix à Fela et lui offre ainsi une visibilité immédiate auprès du public européen. Une porte ouverte. Peu compatible avec le comportement politiquement correct souhaité par ses nouveaux partenaires occidentaux, le mode de vie du Nigérian dessert sa cause dans un premier temps. Ce n’est que partie remise : grâce à l’initiative de Ginger Baker, la musique de Fela circule, et finit par imposer son auteur sur la scène internationale.

 

afrikipresse avec rfimusique

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