Invité sur le plateau de la chaîne de télévision Nci le dimanche 13 novembre 2022, Ibrahim Coulibaly-Kuibiert, président de la commission électorale indépendante (CEI), a indiqué que la privation des droits politiques et civiques dont est l’objet l’ex chef de l’État ivoirien Laurent Gbagbo, ne l’empêche pas de diriger un parti politique en Côte d’Ivoire.
Pourquoi le président de la Cei a-t-il estimé que Laurent Gbagbo peut diriger le Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire (PPA CI) ? Ignorait-il la loi comme des commentateurs ont voulu le croire ou bien s’agissait-il de sa part d’une réponse « politique » pour échapper à la fixation sur la seule question de la présence de Laurent Gbagbo sur la liste électorale ?
Que dit la loi ?
En effet, selon l’article 8 de la loi sur les partis et groupements politiques de 1993, les membres fondateurs et dirigeants de partis ou groupements politiques, doivent être de nationalité ivoirienne et jouir de leurs droits politiques et civiques.
Cela signifie bien que les fondateurs ou les dirigeants de partis ou groupements politiques subissent le même régime aussi bien sur leur capacité à fonder ou diriger un parti politique , que sur leur présence sur la liste électorale s’agissant des conditions de nationalité et de jouissance des droits politiques et civiques.
Pourtant, alors qu’il expliquait que le Président Laurent Gbagbo ne peut figurer sur la liste électorale au motif pris de ce qu’il ne jouit pas de ses droits politiques et civiques, le Président de la Cei n’a pas voulu tirer la même conclusion s’agissant de la capacité du même Laurent Gbagbo à diriger aussi bien de facto que de juré le Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire.
Que visait le président de la CEI ?
Cette position du président de la CEI a donné lieu à plusieurs commentaires. Les uns ont prétendu qu’il ignorait la loi. Selon nos informations, il n’en est rien.
En effet, Afrikipresse a appris que le Président de la CEI a donné une réponse politique pour esquiver la question à sa manière et éviter en sa qualité de magistrat de donner un avis à même de contrarier aussi bien le gouvernement ivoirien que le parti de Laurent Gbagbo.
Il était question pour lui de ne pas mettre à mal la cohésion sociale, au détour d’une réponse sur un plateau télé. « La cei ne s’occupe que la liste électorale, pas des partis politiques et autres », a notamment confié à Afrikipresse une source proche de la question.
L’état de la situation de Gbagbo dans le Ppa Ci
Il est bon de constater que le Ppa Ci est dirigé par le Président Laurent Gbagbo au vu et au su de tout le monde. L’on note que ce parti politique est ainsi dirigé notoirement par un citoyen qui selon plusieurs témoignages, ne jouit pas de ses droits politiques et civiques, et qui à ce titre ne figure pas à ce titre sur la liste électorale, depuis 2020 suite à une décision de la CEI prise en compte par le conseil constitutionnel.
Cependant le même Ppa Ci vient d’intégrer de par la loi la Cei, dispose d’un groupe parlementaire, et participe au dialogue politique en Côte d’Ivoire en se prévalant du leadership de Laurent Gbagbo.
Le fondateur et leader principal du parti qui est présumé privé de ses droits politiques et civiques est constamment reçu et traité, outre sa qualité d’ex-Président de la République, comme un citoyen bénéficiant de ses droits civils et politiques.
L’avis d’un juriste qui appelle à tirer toutes les conséquences
C’est fort de ces constats qu’un juriste approché par Afrikipresse fait savoir sous couvert d’anonymat son opinion qui suit : « même s’il est magistrat de formation et qu’il s’autorise des observations et des réflexions à haute voix pour faire de la pédagogie sur un certain nombre de questions , le président de la CEI ne gère que la liste électorale, et non la conformité des partis politiques avec la loi, tout comme il a dit qu’il ne gère pas les questions de carte d’identité , tout comme il s’est refusé de commenter la loi sur la composition de la Cei.
C’est donc à dessein, et nullement par oubli, par ignorance ni par méconnaissance, que Monsieur Ibrahim Coulibaly-Kuibiert a laissé entendre que Laurent Gbagbo peut diriger son parti politique. Cette posture politique était plus acceptable de sa part que tout autre réponse à même d’embarrasser le gouvernement, et succeptible de mettre à mal la cohésion sociale, en laissant entendre clairement qu’un parti politique a désigné dans des conditions irrégulières une personnalité qui va prêter serment et siéger bientôt à la Cei à ses côtés.
La CEI et son président appliquent les lois votées, les décrets et les arrêtés, ainsi que les décisions de justice en matière électorale. La CEI et son président ne rendent pas des décisions comme des magistrats, ou comme des organes juridictionnels à savoir les tribunaux, le conseil constitutionnel, le conseil d’État par exemple.
À présent , il revient à chaque entité en ce qui la concerne d’en tirer les conséquences, en procédant par exemple à la réinscription de Laurent Gbagbo sur la liste électorale, ou bien en l’y maintenant exclu comme l’affirme le président de la Cei au motif pris que l’ancien chef de l’État est inapte à diriger un parti politique.
Il reste évident que le Président de la Cei, ne pouvait pas prendre sur lui, de trancher une question vitale pour la cohésion sociale sur un plateau télé. Il a dit ce qui dépend de lui et de lui seul : pas de présence sur la liste électorale, pour privation de droits politiques et civiques. Le reste ne dépend pas de lui. Selon nous, c’est une boutade, une réponse politique ».
Charles Kouassi