« Je ne suis plus qu’un vieil homme… », parle ainsi Méka, personnage principal autour duquel tourne toute l’histoire racontée par Ferdinand Oyono dans “Le vieux nègre et la médaille”. Le récit de l’histoire nous donne un prolongement de son premier roman, une vie de boy dans lequel, le jeune enfant africain naïf semble n’avoir que grandit dans “Le vieux nègre et la médaille”, restant tout aussi naïf.
Ce roman publié durant la décolonisation est ainsi fortement inscrit dans son contexte, ce qui lui vaut son succès mérité. C’est l’un des classiques africains, que tout africain doit lire. Il est donc intéressant d’en saisir l’intérêt qui reste très actuel au moment où on parle des tirailleurs et de leur rétribution, de réparation, de souvenir, de pardon pour tout ce que le Blanc a fait aux peuples africains. La vie de Oyono, a été une influence dans son œuvre.
“Le vieux nègre et la médaille”, publié en 1956, se concentre sur la date symbolique du 14 juillet, fêtée dans un district éloigné. Ce jour-là, Meka, qui a donné du terrain aux missionnaires pour leur église et dont les deux fils sont morts à la guerre, est d’abord heureux d’être honoré par une médaille de reconnaissance de la France, à laquelle tous ses proches applaudissent. En deux jours, après une cérémonie qui tourne au grand guignol et une nuit d’humiliation, le vieil homme prend conscience que ce 14 juillet n’est en fait qu’une mise en scène hypocrite des pouvoirs coloniaux qui parlent d’amitié en maintenant une stricte exclusion des colonisés. La solidarité
africaine qui l’entoure à la fin du roman constitue un contrepoint politique et, avec la fierté retrouvée du peuple colonisé, une réponse à la colonisation des Blancs.
Le roman raconte l’histoire de Meka. Un vieil homme naïf dévoué à la cause des Blancs. Meka doit visiter le commandant de son pays Doum. Il va recevoir une médaille en reconnaissance de son dévouement pour la France, d’être par conséquent « un ami des blancs. ». Meka avait deux fils combattant pour les français durant la seconde guerre mondiale. Il a même offert ses terres à la mission catholique. Durant la remise de la médaille le jour de la fête nationale française le 14 juillet. Après le vin d’honneur, tous les noirs sont devenus ivres et M. Varini appelé aussi Gosier-d’Oiseau fait évacuer la salle du Foyer Européen. Dans la panique, on oublia et enferma Meka qui dormait à l’intérieur. L’orage éclate en ravageant la salle d’où sortit Meka titubant. Il perd sa médaille.

Il est arrêté dans la nuit, brutalisé et maltraité par des policiers
trop zélés avant d’être conduit dans une prison où il sera encore humilié par Gosier d’Oiseau de qui il attendait une reconnaissance. Pendant le roman, Meka essaie d’aider des blancs et il suit des règles. Meka rentre chez lui et plonge toute la famille dans la stupeur causant pleurs et lamentations. Il se rend compte qu’il est un esclave des blancs.
Le titre choisi quant à lui illustre bien cet esprit ironique et d’autodérision. En utilisant deux termes en opposition : le mot « nègre » terme péjoratif de connotation raciste ce qui peut paraître surprenant venant d’un écrivain noir. Avec le terme « médaille », terme positif, appréciatif. L’humour et l’ironie sont donc d’emblée présents dans le titre qui résume par-là l’histoire du roman.
Le nom « vieux » montre une volonté universelle ou même universalisante de l’auteur de mettre l’accent sur le contraste entre l’expérience et tout ce que des générations africaines ont fait : sa vie, la vie de ses enfants, ses biens, son cœur pour mériter non pas des médailles mais « une médaille ». Et quelle médaille ! À travers son œuvre Oyono expose la traditionnelle opposition d’un Noir naïf qui croit à l’amitié des Blancs hypocrites et sournois. Son écriture est caractérisée par l’ironie et l’humour. C’est une œuvre qui résume les spécificités culturelles africaines et occidentales. Elle traite ainsi les caractères et comportements de ces deux peuples à travers des thématiques variées (le christianisme, la vieillesse et l’alcoolisme…). Cette médaille n’est-elle pas le symbole du mal que les africains ont subi pendant des siècles !
Ferdinand Oyono, romancier camerounais francophone, est né en 1929 à N’Goulémakong. Il suit des études de droit et de sciences politiques à Paris, tout en écrivant ses premiers romans: Une vie de boy (Julliard, 1956) et Le Vieux Nègre et la médaille (Julliard, 1956). Après la publication de Chemin d’Europe, en 1960, Ferdinand Oyono obtient d’importantes fonctions diplomatiques : il est nommé ambassadeur du Cameroun à Paris de 1964 à 1975, puis représentant permanent auprès des Nations unies pendant huit ans, avant de rejoindre le Cameroun où il a exercé des fonctions ministérielles jusqu’à son décès à Yaoundé, en juin 2010.
“Le vieux nègre et la médaille” de Ferdinand Oyono. Editions EDICEF. 1956