L’humanité est aujourd’hui menacée par le réchauffement climatique et une urbanisation incontrôlée. D’ici 2050, 7 humains sur 10 vivront dans des zones urbaines, zones qui ne cessent de grossir dans les pays du Sud L’urbanisation est autant un atout qu’une menace pour l’Afrique Un atout : phénomènes planétaires, sources de dynamisme et d’attractivité, l’urbanisation et la métropolisation portent la croissance africaine. Une menace : l’Afrique est en train de s’urbaniser sans disposer des moyens financiers qui lui permettent d’investir dans les infrastructures, les services sociaux, le logement, les bureaux et les projets de « ville verte ».
Les villes d’Afrique se retrouvent enfermées dans le piège du développement anarchique et incontrôlable avec des effets irréversibles : surpopulation, création de quartiers précaires, manque d’ouvrages d’assainissement, difficulté d’accès aux services de base (eau, électricité et santé), absence des services sociaux, insécurité, pollution, non-respect des lois et des règles, aggravation des inégalités, etc. Il est urgent pour l’Afrique de tracer le chemin d’une urbanisation contrôlée, plus efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique. En accueillant, le vendredi 1er juillet 2022, la première « COP des Villes », l’AIMF (Association Internationale des Maires Francophones) a voulu faire entendre la voix des métropoles qui ont un rôle à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique, en amont de la COP27 qui se tiendra à Charm el-Cheikh en Égypte, en novembre 2022.
Les Etats et les villes africaines sont très en retard en matière de protection de l’environnement. La volonté politique existe, mais les ressources financières sont insuffisantes. Lors de la plénière d’ouverture de cette « COP des villes », le ministre-gouverneur Robert Beugré Mambé, secrétaire général de l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF), a mis l’accent sur ce besoin de financement des infrastructures urbaines, déclarant : « Nous allons demander que, désormais, le financement de toutes les infrastructures urbaines s’appuie sur des durée de remboursement à long terme allant de 25 à 30 ans et avec des taux d’intérêts consensuels en vue de protéger les populations ».
De son côté, le Vice-président de la République de Côte d’Ivoire, Koné Meylet Tiemoko, a souhaité que cette rencontre d’Abidjan soit l’occasion pour les maires francophones d’apporter des solutions concrètes dans la lutte contre le réchauffement climatique, invitant les participants à adopter une position commune, suffisamment forte, pour faire entendre la voix des villes dans toutes les négociations et discussions au cours de la prochaine COP 27 sur le climat.
L’enjeu, pour la centaine de maires venus du monde entier pour participer à cette « COP des Villes », est de promouvoir un autre modèle de développement des zones urbaines. La situation d’Abidjan, en proie à des inondations meurtrières au moment où se déroule cette « COP des Villes », inondations qui se répètent depuis une quinzaine d’années, montre qu’il est urgent d’agir, alors que, pour la saison 2022 en cours, la pluviométrie est annoncée comme la pire depuis trente ans.
« Agir avec les villes pour le climat »
La « COP des Villes » organisée à Abidjan avait choisi comme thème : « Agir avec les villes pour le climat ». Les collectivités territoriales et les autorités locales sont en effet de plus en plus confrontées aux phénomènes naturels extrêmes et à la réalité des effets du réchauffement climatique. Mais, placées dans l’obligation de répondre à d’autres urgences, elles ne sont ni formées, ni préparées à évaluer la vulnérabilité de leur territoire et des populations face au changement climatique ; de plus, elles ne disposent pas des moyens financiers propres à conduire des politiques de lutte contre le réchauffement climatique.
En Côte d’Ivoire, pays urbanisé à 50 %, les collectivités territoriales, qui dépendent financièrement du gouvernement central, n’ont déjà pas les ressources budgétaires pour couvrir leurs besoins ordinaires, elles ne peuvent donc allouer que très peu de ressources aux politiques de lutte contre le réchauffement climatique et à la protection de l’environnement. Selon le maire de Cocody, Jean-Marc Yacé, qui veut faire de sa commune un rempart contre le réchauffement climatique et un laboratoire de la lutte contre la déforestation à travers un vaste projet « vert », les villes ivoiriennes doivent surmonter trois handicaps :
1) des ressources budgétaires insuffisantes,
2) des élus et des administrations locales qui n’ont pas les capacités institutionnelles et les connaissances suffisantes pour évaluer et mettre en œuvre des politiques publiques territoriales en lien avec les urgences locales en matière de lutte contre le dérèglement climatique, mais aussi alignées sur les objectifs nationaux et les recommandations onusiennes
3) une sensibilisation et une information insuffisantes à destination des populations.
Face à l’urgence climatique, l’action des villes doit être prépondérante, car, s’il faut « penser global », il faut « agir local », selon la formule employée par René DUBOS lors du premier sommet sur l’environnement en 1972. Comment agir localement ? En replaçant les pouvoirs locaux, notamment ceux des maires, au cœur des stratégies de lutte contre le dérèglement climatique. Les maires, qui sont au plus près des populations, ont un rôle de premier plan à jouer, notamment dans la sensibilisation et l’information afin de permettre aux populations de comprendre la nécessité d’appliquer à l’échelle locale les stratégies nationales et mondiales de lutte contre le changement climatique. Ils peuvent s’appuyer sur les nombreuses actions des sociétés civiles locales organisées, qui ont pour objectif l’acceptation de l’effort climatique à fournir. Ils savent utiliser les nouvelles technologies numériques afin de diffuser rapidement l’information et faciliter l’éducation des populations locales à la prévention et à la riposte climatique.
La solidarité avec les villes africaines
Les chiffres sont connus : 1) D’ici 2050, l’Afrique réalisera à elle seule 50 % de la croissance urbaine mondiale ; dès 2020, 560 millions d’Africains vivront dans des villes, plus d’un milliard en 2050. 2) L’Afrique ne figure pas parmi les premiers pollueurs, elle n’est responsable que de 4 % des émissions de gaz à effet de serre, mais elle est le continent le plus vulnérable face au dérèglement climatique. 3) On estime que, d’ici 2030, 120 millions d’Africains, dont une grande majorité de femmes, subiront l’impact négatif du réchauffement climatique (hausse des températures, sécheresse, désertification, dégradation des sols, disparition de la biodiversité, appauvrissement économique, exode massif des populations).
En organisant, à Abidjan, cette première « COP des Villes », l’AIMF entend faire entendre la voix des zones urbaines et des gouvernements décentralisés. Il ne peut y avoir de lutte efficace contre le réchauffement climatique sans une véritable implication des villes. Les dirigeants africains doivent se doter d’instruments d’urbanisme et mettre en place une véritable planification urbaine qui intègre la régularisation des marchés fonciers, la clarification des droits de propriété et les préoccupations environnementales.
L’urbanisation représente, pour l’Afrique subsaharienne, un véritable défi. Elle favorise le développement et la création de richesses, mais elle peut aggraver les inégalités économiques, sociales et culturelles, mais aussi les inégalités environnementales qui sont faiblement prises en compte dans les politiques publiques. Selon les conclusions de cette première « COP des Villes », l’urbanisation incontrôlée en Afrique s’accompagne d’effets négatifs sur le développement social et environnemental avec le taux de bidonvilles le plus élevé, l’absence d’espaces verts et la pollution urbaine.
Christian Gambotti
Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Directeur général de l’Université de l’Atlantique
Contact : cg@afriquepartage.org