Lors de son discours au comité central du PPA-CI, le 4 janvier 2025, Laurent Gbagbo, fidèle à son style flamboyant, a livré une série de déclarations qui oscillent entre révisionnisme historique et exaltation personnelle. Une fois encore, l’ancien président ivoirien a choisi de revisiter son passé à travers le prisme d’une gloire autoproclamée, tout en esquivant soigneusement les responsabilités qui lui incombent.
L’inscription sur la liste électorale: un martyr autoproclamé
Laurent Gbagbo a fait de son inscription sur les listes électorales l’enjeu central de son discours, se présentant comme une victime des institutions ivoiriennes. Il évoque avec nostalgie ses “sacrifices” politiques passés, notamment en 1995, lorsqu’il aurait renoncé à se porter candidat au profit d’Alassane Ouattara. Mais cette version des faits mérite d’être interrogée : ce renoncement était-il réellement un acte de générosité ou une stratégie calculée pour mieux servir ses ambitions futures ?
En réalité, la posture de martyr qu’il adopte aujourd’hui semble davantage relever d’une construction politique destinée à galvaniser ses partisans. Mais la démocratie ne saurait être réduite à une mise en scène personnelle. Elle repose sur des institutions fortes et sur le respect des règles, des principes que M. Gbagbo semble oublier lorsqu’ils ne servent pas ses intérêts.
La rhétorique de la magnanimité : un récit tronqué
Gbagbo se plaît à rappeler qu’il aurait, à Pretoria, permis à Alassane Ouattara de se porter candidat. Il présente ce geste comme un acte de magnanimité, une preuve de sa stature d’homme d’État. Mais dans les faits, cette décision s’inscrivait dans un contexte de pression internationale et de négociations politiques complexes. Ce n’était pas un cadeau fait à la Côte d’Ivoire, mais une étape dans un processus visant à stabiliser un pays plongé dans une crise profonde.
En se plaçant constamment au centre des événements, Gbagbo minimise le rôle des autres acteurs et ignore les dynamiques collectives qui ont façonné l’histoire récente de la Côte d’Ivoire. Cette vision autocentrée ne peut que limiter sa capacité à proposer des solutions viables pour l’avenir.
La réécriture des responsabilités : un refus de l’introspection
Laurent Gbagbo évoque la guerre civile, la fraude électorale et les attaques contre son régime comme des événements dont il aurait été la victime. Pourtant, l’histoire nous enseigne que ces crises ont été le résultat d’une gestion hasardeuse du pouvoir, marquée par des divisions profondes et un manque de volonté de réconciliation nationale.
En 2000, à peine arrivé au pouvoir, Gbagbo a été confronté à un pays divisé. Mais au lieu de chercher à apaiser les tensions, il a souvent attisé les antagonismes, contribuant à enraciner un climat de méfiance et de polarisation. Les violences post-électorales de 2010-2011, qui ont coûté la vie à des milliers d’Ivoiriens, restent une tache indélébile sur son bilan. Pourtant, dans son discours, aucune remise en question, aucune reconnaissance des erreurs qui auraient pu prévenir ces tragédies.
L’ONU : de l’ennemi juré au partenaire supposé
L’une des déclarations les plus surprenantes de Laurent Gbagbo concerne sa relation avec l’ONU. Il affirme aujourd’hui que cette institution aurait sollicité son inscription sur la liste électorale, oubliant commodément qu’il a passé une grande partie de son mandat à s’opposer frontalement à elle.
En 2010, lorsque l’ONU a reconnu la victoire d’Alassane Ouattara, les partisans de Gbagbo ont attaqué les fonctionnaires onusiens, saboté leurs moyens de transport et menacé leurs aéronefs. Ces actes, orchestrés sous son régime, témoignent d’une hostilité manifeste envers cette institution. Comment, dans ce contexte, peut-il prétendre aujourd’hui entretenir des relations privilégiées avec elle ?
Une glorification du passé qui ignore l’avenir
Le discours de Laurent Gbagbo est marqué par une exaltation de ses “exploits” passés, mais il reste désespérément muet sur les défis actuels de la Côte d’Ivoire. La jeunesse ivoirienne, qui représente l’avenir du pays, attend des solutions concrètes pour l’emploi, l’éducation et la cohésion sociale. Mais au lieu de proposer une vision pour l’avenir, Gbagbo se complaît dans une nostalgie qui ne parle qu’à une partie de son auditoire.
Une invitation à la responsabilité
Laurent Gbagbo doit comprendre que la politique ne peut être un exercice de réécriture permanente de l’histoire. Les Ivoiriens attendent de leurs leaders qu’ils fassent preuve de responsabilité, qu’ils reconnaissent leurs erreurs et qu’ils œuvrent pour l’intérêt général.
S’il souhaite véritablement jouer un rôle dans l’avenir de la Côte d’Ivoire, M. Gbagbo devra abandonner cette posture de victime et se concentrer sur les solutions. Il devra également accepter que la démocratie ne repose pas sur des figures providentielles, mais sur des institutions solides et sur un engagement collectif en faveur de la paix et du progrès.
Un appel à la vérité et à l’humilité.
Laurent Gbagbo a une responsabilité historique envers la Côte d’Ivoire. Mais cette responsabilité ne consiste pas à réécrire le passé pour se glorifier, ni à alimenter des divisions inutiles. Elle consiste à reconnaître ses torts, à contribuer à la réconciliation nationale et à proposer une vision claire pour l’avenir.
La grandeur d’un leader se mesure à sa capacité à unir, à construire et à transmettre. M. Gbagbo a encore l’opportunité de laisser un tel héritage, mais cela nécessitera de dépasser les querelles du passé et de se tourner résolument vers l’avenir.
Nzi Bernard KOKORA Secrétaire National Adjoint des militants de l’extérieur du RHDP