Après les rencontres à Pau (France) le 13 janvier 2020 et à Nouakchott (Mauritanie) le 30 juin de la même année, la France et ses partenaires européens se retrouvent les 15 et 16 février 2021 à N’Djamena au Tchad au sommet G5 Sahel pour faire le bilan des acquis un an après et consolider la dynamique de Pau. Les échanges se feront en présentiel pour les 5 pays du Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger, Tchad, Mauritanie) qui seront rejoint pour la première fois par le représentant de la Cedeao, le président Ghanéen Nana Akufo-Addo et plusieurs partenaires au développement et par visioconférence pour le président français Emmanuel Macron. Mais avant N’Djamena que retenir du dernier sommet de Pau, un an après ?
Alors que l’opération française Barkhane, les forces onusiennes de la Minusma et les forces militaires africaines se soient enlisées face aux attaques répétées des groupes terroristes dans le Sahel avec plusieurs victimes dans les rangs des africains et au moins 57 morts côté français, une certaine opinion s’était levée fin 2019 sur le continent pour décrier la présence française dans le Sahel parlant même de l’ingérence française en Afrique.
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Le 13 janvier 2020 à Pau dans le sud de la France, il était donc question pour Emmanuel Macron de demander à ses homologues africains de clarifier leur demande à l’égard de la France concernant la sécurité dans la région. « Souhaitent-ils notre présence ? Ont-ils besoin de nous ? Je veux des réponses claires et assumées pour ces questions » avait haussé le ton, Emmanuel Macron après la mort en décembre 2019 de treize soldats français au Mali.
Finalement de ce sommet naîtra un nouveau pacte politique, stratégique et opérationnel baptisé « coalition pour le Sahel rassemblant le G5 Sahel, la force Barkhane et les pays partenaires » a noté Tv5 Info dans son édition du 30 juin 2020. Et le sommet de Nouakchott qui intervient six mois après devrait consolider ces acquis de Pau.
Bilan de Pau, un an après
Selon une source élyséenne interrogée à la veille du sommet de N’Djamena, c’est la satisfaction totale au plan militaire.
Le groupe terroriste EIGS qui avait fait plusieurs victimes au Mali et au Niger est aujourd’hui en perte de vitesse. Toutefois précise la source, la principale menace reste le groupe RVIM qui a fait bien de victimes ces dernières semaines dans la zone Lipkato-Gourma aux trois frontières du Mali-Burkina Faso-Niger et le groupe Katiba Macina qui opère au centre du Mali.
La deuxième satisfaction est la montée en puissance des forces militaires africaines. Selon l’Elysée, elles devraient être encore plus opérationnelles avec ses 7 bataillons (5000 hommes) qui seront rejointes bientôt par un bataillon tchadien.
« Elles disposent aujourd’hui d’un poste de contrôle-PC interarmées de théâtre à Bamako sous l’impulsion du général Namata. Elles ont pu mener plusieurs opérations, notamment Samar 1 et 2 en étroite coopération avec Barkhane et les forces internationales. Côté chiffre, il faut savoir que l’opération Bourrasque qui s’est déroulée en fin d’année 2020, en octobre précisément a engagé près de 3000 militaires dont 1400 Sahéliens venant du Niger et du Mali.
En Janvier 2021, l’opération Eclipse a engagé 3000 militaires dont 1000 maliens, nigériens et burkinabè » a fait savoir Paris qui s’est réjoui de la performance des forces militaires africaines et de leur capacité à être autonomes et à défendre leurs positions.
« Elles savent se cordonner entre elles et avec les forces internationales. Ce qui illustre leur volonté de poursuivre leurs efforts de crédibilité militaires » note notre source élyséenne.
La montée en puissance des européens dans le Sahel
La troisième satisfaction est l’arrivée de nouvelles forces militaires européennes. Selon Paris, en plus de la France et de l’Italie, ils seront une dizaine de pays européens à rejoindre bientôt les forces Task Force Takuba, déjà en action au Mali : les estoniens, les tchèques, les suédois, les danois, les hollandais, les portugais, les hongrois, les serbes, les grecques, les belges et même l’Ukraine qui ne fait pas partie de l’Union Européenne. Enfin, la mission EUTM qui avait connu un ralentissement du fait de la crise sanitaire va passer au cours de l’année 2021, de 750 militaires à 1050 pour atteindre un effectif total à l’horizon 2022 de 1250 militaires.
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Rappelons que trois forces étrangères ont été déployées dans le Sahel depuis 2013 avec des rôles différents.
La force onusienne, Minusma a un rôle de maintien de la paix. Elle intervient en cas de menace contre la population civile, mais n’a pas de mandat en matière de lutte contre le terrorisme. Ce volet étant réservé aux forces militaires françaises Barkhane et Takuba. Toutefois ces trois forces travaillent en étroite collaboration entre elles et avec les forces africaines du G5Sahel.
Il faut aussi savoir que pour la dernière année, Barkhane a coûté au contribuable français la bagatelle somme de 900 millions d’euros tirés des 1,4 millions d’euros du ministère français des Armées consacrés aux opérations extérieures.
Aide multilatérale et bilatérale : 16 milliards d’euros mobilisés entre 2017 et 2020 pour le Sahel
Selon le point partiel fait par Paris, l’Alliance pour le Sahel lancé en 2017 compte aujourd’hui 25 partenaires dont la Banque mondiale, l’AFD, la GMZ , et a pu mobiliser en direction du Sahel le portefeuille de 16 milliards d’euros sur les années 2017-2020.
« Là où nous avons des problèmes c’est sur le ciblage des zones les plus vulnérables. D’où l’enjeu du retour de l’Etat dans ces zones » souligne Paris.
Philippe Kouhon