Si Houphouët a été victime de son ouverture d’esprit et son soucis du bien-être des Ivoiriens devenus ingrats sous l’impulsion d’une soi-disant opposition (le printemps des libertés), son dauphin politique sorti droit des institutions de Breton Wood, Alassane Ouattara, lui, paiera cash sa bonne foi.
Pendant que Houphouët luttait contre un cancer de la prostate en Europe, à Abidjan, à la place de l’opposition, c’est son propre clan, le PDCI, qui rendait la vie dure à son Premier ministre de mai à décembre 1993.
C’est à bord d’un vol Concorde spécialement affrété par le Premier ministre que le « vieux » dont la santé n’était plus au beau fixe, a quitté Abidjan le 14 mai 1993, d’abord pour un séjour à l’hôpital Cochin à Paris avant son hospitalisation dans une clinique de Genève en Suisse.
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Alors que le Premier Ministre était préoccupé par la santé du « vieux » en faisant des aller-retour en compagnie parfois de son épouse, Dominique Ouattara, au chevet du Président, à Abidjan, le Président de l’Assemblée Nationale, Henri Konan Bédié adoubé par certains militants de premières heures et surtout par l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, Michel Dupuch, se préparait quant à lui à la succession du vieux.
La bataille de la vacance du pouvoir
Entré en clinique le 1er novembre 1993 à Genève, le vieux ne se remettra plus jusqu’à son évacuation sanitaire en côte d’ivoire. Henri Konan Bédié qui était dans le secret d’Etat sachant que le vieux ne survivra pas, engage dès début décembre un bras de fer constitutionnel avec le chef du gouvernement, Alassane Ouattara.
Le 4 décembre, Bédié propose à Ouattara de déclarer la vacance du pouvoir. Niet, répond le Premier Ministre.
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En effet, cette vacance du pouvoir donnait droit au Président de l’Assemblée Nationale d’assurer l’intérim de la Présidence et d’organiser les prochaines élections.
Débouté, le Président de l’Assemblée Nationale mène durant plusieurs semaines une véritable guérilla contre Ouattara dans l’hémicycle.
« C’est ainsi qu’un groupe de sept députés PDCI proches de Bédié, se fend d’une lettre ouverte accusant le chef du gouvernement d’avoir réalisé un coup d’État constitutionnel, en utilisant l’article 24 de la loi fondamentale qui lui confie la suppléance du président de la république… » écrit Moriba Magassouba à la page 111 de son livre « Alassane Ouattara, la passion du devoir », paru en octobre 2020.
Camille Alliali s’offusquera et regrettera que le Premier Ministre soit vilipendé non pas par l’opposition mais par les élus de sa propre majorité.
De bonne foi
« Malgré cet affront, lorsque l’idée d’instaurer un Conseil d’État qui achèverait le mandat présidentiel et préparerait les prochains élections circule, le Premier ministre qui n’était pas contre cette formule, avait pour sa part, imaginé la formation d’une équipe rassemblant Bedie comme Président tel que la Constitution l’exigeait, Yace, président du parti et lui-même continuant à diriger le gouvernement jusqu’à ce qu’on lui trouve un successeur » écrit l’auteur à la page 117.
Poursuivant, Moriba Magassouba explique comment malgré la bonne foi de Ouattara celui-ci sera continuellement contesté par le clan Bedie qui a même refusé d’accompagner le premier ministre à Yamoussoukro lorsque Houphouet rendit l’âme dans les premières heures. C’est-à-dire le 7 décembre 1993 vers 6 heures du matin.
Philippe Kouhon