Institution de la République de Côte d’Ivoire, le Conseil Economique, Social, Environnemental et Culturel (CESEC) conseille les pouvoirs publics en matière économique, sociale, environnementale et culturelle. Instituée, par la loi du 3 Novembre 1960, cette institution se nomme d’abord Conseil Economique et Social (CES). Le CES devient le Conseil Economique, Social, Environnemental et Culturel (CESEC), conformément aux dispositions de la loi du 8 Novembre 2016 portant constitution de la République de la Côte d’Ivoire.
Son intitulé, en ajoutant les préoccupations environnementales et culturelles, élargit son champ de réflexion et d’action. Au lendemain des indépendances, les préoccupations économiques et sociales, étroitement liées, dominent les débats. Il n’est plus possible, aujourd’hui, de détacher l’économie et le social des préoccupations environnementales et culturelles.
Les préoccupations économiques et sociales
Les préoccupations économiques et sociales structurent le XXè siècle. Au lendemain des indépendances, l’Histoire de l’Afrique, à l’image de ce qui s’est passé dans le monde depuis le 19è siècle et la première révolution industrielle, devient l’histoire des préoccupations économiques et sociales sur fond d’enjeux politiques, ce qui marque l’entrée dans une modernité idéologisée. L’intitulé CES (Conseil Economique et Social), qui prévaut jusqu’en 2016, montre que la modernité n’est appréhendée qu’à travers les préoccupations économiques et sociales. L’histoire des CES, dans tous les pays, mime l’histoire du monde. Le CES ivoirien n’échappe pas à cette règle.
Les préoccupations environnementales
Le champ des préoccupations environnementales s’ouvre en août 1972, avec un numéro spécial de la « Pacific Historical Review » et un article devenu célèbre d’un jeune historien, Roderick Nash, qui parle des secteurs opprimés que sont la terre et le biotope. Si un courant environnementaliste naît, il n’est pas encore question d’écologie. Ce courant ne deviendra légitime que dans les années 1990, sans occuper une position de pouvoir. Il sort de la marginalité institutionnelle lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, plus connue sous le nom de Sommet de Rio qui se tient à Rio-de-Janeiro, au Brésil, du 3 au 14 juin 1992. En devenant le CESEC, le Conseil Économique et Social ivoirien inscrit l’urgence environnementale parmi les priorités de son action.
Selon le Dr Eugène Aka Aouélé, « l’intitulé CESEC prend acte que le réchauffement de la planète s’est désormais imposé comme la principale préoccupation environnementale de l’humanité. » Il ajoute : « Il s’agit aussi pour nous de montrer que l’Afrique est la principale victime des inégalités environnementales, alors qu’elle est le continent qui pollue le moins. Nos travaux, dans une approche holistique et multisectorielle, visent à montrer que la performance environnementale ouvre le champ des opportunités économiques, offre un gisement d’emplois, favorise l’émancipation des femmes et des jeunes et améliore les conditions de vie des populations.»
Les préoccupations culturelles
Quant à la culture, marqueur fort de l’identité, elle sort de la sphère de l’exotisme et de la nostalgie, pour devenir un vecteur du développement économique d’un pays et de son rayonnement. Pour le Dr Eugène AKA AOUÉLÉ, président du CESEC, « au moment où des strates civilisationnelles structurent de plus en plus le monde, l’Afrique doit s’approprier les déclinaisons majeures du discours sur sa culture. En s’emparant de la culture comme objet d’étude, au moment où se pose le problème du rapport entre l’identité africaine et la civilisation occidentale, le CESEC joue pleinement son rôle. Tous les acteurs du secteur de la culture sont aussi des acteurs essentiels de la société civile telle qu’elle s’exprime dans l’enceinte du CESEC. »
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Wakili Alafé (1), le président du comité d’organisation de la JMCA (Journée Mondiale de la Culture Africaine), définit ainsi le rôle de la JMCA : « affirmer l’importance de la culture pour que l’Afrique soit elle-même et les Africains fiers d’eux-mêmes et de leur civilisation. La diversité de nos cultures, y compris les cultures ethniques, n’est pas un obstacle à la construction de l’Etat, à la bonne gouvernance, à la démocratisation. » Il appartient au CESEC, comme à l’UNESCO et à la JMCA, d’empêcher que la culture, comme d’autres sujets, ne soit instrumentalisée par certains acteurs politiques et des forces extérieures.
La nature et les missions du CESEC
● La nature – Composé des représentants des différentes catégories professionnelles et sociales, le CESEC permet la participation de la société civile organisée à la politique économique, sociale, environnementale et culturelle de la Nation. L’institution comprend 120 Membres, appelés Conseillers Economiques, Sociaux, Environnementaux et Culturels. Ils sont nommés pour cinq ans par Décret du Président de la République.
● Les missions – L’institution, à travers ses membres, a pour mission de donner son Avis sur les projets de lois, d’ordonnances ou de décrets ainsi que les propositions de lois qui lui sont soumis, sur les projets de lois de programme à caractère économique, social, environnemental et culturel. Elle peut être consulté par le Président de la République, le gouvernement et le parlement (saisine) sur tout problème à caractère économique, social, environnemental et. Elle peut s’autosaisir (auto-saisine) sur un sujet qu’elle juge important et qu’elle veut installer au cœur du débat public. Les études et les rapports du CESEC font autorité, car, si le CESEC ne vote pas la loi, l’institution est considérée comme l’assemblée du « premier » mot, le dernier mot revenant aux assemblées parlementaires.
Le CESEC est à la fois le conseiller des pouvoirs publics et le forum de la société civile. Aujourd’hui, à côté de la démocratie parlementaire qui ne s’exprime que tous les 5 ans, il est nécessaire de faire fonctionner à chaque instant, face aux urgences, une démocratie citoyenne qui prend la forme des propositions de la société civile organisée. Le CESEC, parce qu’il permet la collaboration et le dialogue entre différentes catégories sociales et/ou professionnelles et qu’il facilite le rapprochement des intérêts divergents, est le réceptacle naturel et l’amplificateur légitime de cette démocratie citoyenne.
Légitimité d’une institution et son rayonnement
Le CESEC tire sa légitimité de son Histoire. Il est institué par la loi du 3 Novembre 1960, dans le droit fil de la naissance de la nation ivoirienne, l’indépendance ayant pris effet le 7 août 1960. La légitimité institutionnelle d’une institution suffit-elle pour justifier son existence ? Des voix se font entendre, notamment en France, pour réclamer la suppression des CES. Ce serait une erreur, car les CESEC facilitent le dialogue entre les différentes catégories sociales ou professionnelles et permettent de trouver un équilibre entre des intérêts divergents ou des points de vue idéologisés.
Le CESEC doit alors se construire une autre légitimité, celle que lui confère son rayonnement auprès des pouvoirs publics, des institutions, de la société civile et du monde du travail, mais aussi son rayonnement à l’international à travers l’UCESIF (Union des Conseils Economiques et Sociaux et Institutions similaires Francophones) et l’UCESA (Union des Conseils Economiques et Sociaux et institutions similaires d’Afrique). La personnalité du président du CESEC est alors essentielle pour assurer le rayonnement de l’institution.
En nommant, le 6 avril 2021, Eugène Aka Aouélé président du Conseil économique et social, environnemental et culturel de la Côte d’Ivoire, le Président Alassane Ouattara a choisi une personnalité consensuelle, connue pour sa rigueur et son sens du dialogue. Il lui appartient de donner au CESEC cette légitimité que seul confère le rayonnement d’une institution au moment où se développe, partout dans le monde, une forte demande de démocratie sociale et participative entre deux séquences électorales.
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(1)Wakili Alafé vient d’être nommé président de L’Africanisme, un think tank qui a pour objet de faire entendre, loin des querelles partisanes et idéologiques, la voix de l’Afrique et assurer le rayonnement du continent dans le contexte nouveau qui résulte du bouleversement des relations internationale
Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Directeur général de l’Université de l’Atlantique- Directeur du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone, Essayiste, chroniqueur, politologue, géopoliticien – Contact : cg@afriquepartage.org