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Chronique du lundi – la Côte d’Ivoire au défi d’un développement inédit des réseaux de transport : routes, voie ferrée, infrastructures portuaires et aéroportuaires 

Chronique du lundi – la Côte d’Ivoire au défi d’un développement inédit des réseaux de transport : routes, voie ferrée, infrastructures portuaires et aéroportuaires 
Publié le
Par
Christian Gambotti
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Pour tous les observateurs, l’Afrique, portée par l’abondance de ses richesses naturelles et le dynamisme de sa démographie, participe désormais aux dynamiques contemporaines. Mais, elle n’y participe pas pleinement, car la mondialisation donne à la mobilité des biens et des personnes une dimension nouvelle. Or, en matière d’infrastructures de transport, l’Afrique est très en retard. 

Elle ne dispose pas de toutes les clés des mobilités nouvelles qui offrent déjà au reste du monde des perspectives de croissance inédites. Là où il y a l’eau, il y a la vie. Mais, là où il y a la route, s’ouvre le champ de tous les possibles en matière de développement. Tous les pays se sont construits autour du développement des routes et des voies ferrées, des échanges portuaires et aériens. 

Élévation des niveaux de vie, enrichissement national et accès au commerce international dépendent de la qualité des infrastructures de transport. Seuls des investissements massifs dans les infrastructures de transport permettront à l’Afrique de ne pas être projetée hors de la mondialisation.

Une urgence qui est toujours là

J’avais publié, en 2017, une chronique dans l’Intelligent d’Abidjan qui mettait l’accent sur une urgence absolue : la mise à niveau aux normes internationales des aéroports et des ports pour une ouverture de l’Afrique sur le monde, des routes et des réseaux ferroviaires pour une interconnection entre les États et, dans chaque État, une interconnection entre les territoires. 

L’urgence est toujours là. Consolider politiquement et économiquement l’État-nation reste une priorité, mais cette consolidation passe aussi par le développement des infrastructures de transport, afin de permettre à tous les territoires de participer à l’enrichissement national. C’est donc une question qui relève de l’économie. Mais, la bonne santé économique d’un pays ne suffit pas à créer un sentiment d’appartenance à une nation (1). 

Un taux de croissance élevé ne constitue pas un projet de société, ni de cohésion nationale. L’interconnection entre les villages et les centres urbains à l’intérieur d’un territoire, l’interconnexion des territoires entre eux et l’interconnection entre les métropoles urbaines contribuent à consolider, dans toutes les couches de la population, notamment parmi les jeunes générations,  le sentiment d’appartenance à un Etat-nation. (2)

La Côte d’Ivoire : un modèle en matière de développement des infrastructures de transport

Depuis Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire a toujours été considérée comme un modèle en matière de développement des infrastructures de transport. Aujourd’hui, le pays, qui est reconnu comme étant la première économie de la sous-région, concentre à lui seul plus de 50% des infrastructures routières de l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine). 

Dès son accession au pouvoir, en 2011, le président Ouattara a institué comme priorité nationale la mise en œuvre d’une politique de grands travaux en matière de transport. L’objectif est de doter le pays d’infrastructures aux normes internationales. En 2012, est lancé le programme de renaissance des infrastructures (PRICI), suivi du programme d’Entretien routier (2018-2020) et du déploiement des deux Plans Nationaux de Développement, le PND 2016-2020 et le PND 2021-2025. 

Ces deux PND visent à accélérer la transformation des réseaux routiers maritimes. Cette dynamique se poursuit avec, à l’horizon 2030, la construction de 1 500 kms d’autoroutes, dont 500 kms programmés jusqu’en 2023. Il était prévu d’atteindre, en 2023, les 9 500 kms de voies goudronnées. Les investissements se font aussi dans les ports, les aéroports et le réseau ferroviaire.

Le 6ᵉ Forum international et Salon africain des Transports (FISAT)

Réunissant plus de 30 pays, le 6ᵉ Forum international et Salon africain des Transports (FISAT), dédié aux enjeux du transport et du développement des infrastructures, s’est tenu à Abidjan, du 4 au 6 juillet 2022. Lors de ce Forum, Amadou Koné, le ministre ivoirien des Transports a tenu à rappeler que l’enjeu, pour les pays africains, est de créer les conditions favorables au développement des infrastructures de transport. 

Comment y parvenir ? Pour le ministre, il s’agit de travailler dans deux directions : 1)  mettre en œuvre des solutions africaines. Amadou Koné entend promouvoir les entreprises africaines dans ce secteur, notamment pour les grands projets 2) consolider les partenariats avec des entreprises étrangères de premier plan.  

Le FISAT a montré que le transport, enjeu stratégique pour l’Afrique, permet d’attirer les partenaires techniques, les bailleurs de fonds et les investisseurs internationaux.

Les transports au défi de la performance environnementale

Dès 2019, sous l’impulsion d’Amadou Koné, en partenariat avec la Banque mondiale, le ministère des Transports avait élaboré un « Projet de Feuille de route pour une mobilité durable en Côte d’Ivoire : Emergence – bas carbone dans les transports ». 

L’État joue certes un rôle essentiel dans la stratégie de développement des transports, mais, selon le ministère, « il n’est pas envisageable de penser une stratégie de la mobilité sans inclure les acteurs privés, les organisations de la société civile et les usagers dans la réflexion. » 

Pour faciliter la mobilité et atteindre les objectifs d’une performance environnementale dans les transports, il convient, toujours selon le ministère, « de donner la priorité à des modes de transport de masse sur les axes principaux des agglomérations ». Or, plus de 85% des déplacements urbains en transport en commun se font dans les transports artisanaux et non conventionnés, comme les taxis collectifs (wôrô-wôrô) et les minibus (gbaka). 

Comment ne pas exclure davantage les populations précaires qui, dans leurs déplacements, utilisent ces modes de transports ? Il faut donc réformer pour moderniser, assurer plus de confort et de sécurité dans les transports de masse urbains. 

Le ministère s’emploie à faire travailler ensemble les acteurs étatiques et non-étatiques de l’ensemble de l’écosystème des transports, afin de surmonter les obstacles dus à la fois à la multitude d’acteurs économiques artisanaux et à l’ouverture de multiples chantiers (sécurité routière, démocratisation, opportunités offertes par le numérique, accélération de l’intermodalité, lutte contre le réchauffement climatique, etc.). 

En matière de transport, toute politique nationale doit, selon Amadou Koné, tenir compte de points de vue multiples, notamment locaux.

Routes, réseau ferré, infrastructures portuaires et aériennes, tous ces modes de transport constituent un formidable accélérateur du développement de l’Afrique. 

Mais, le retard pris dans ces secteurs freine la croissance. Les dirigeants africains, conscients de ce retard, multiplient les projets avec un triple objectif : réduire le coût et les délais du transport des marchandises, permettre une meilleure circulation des personnes, atteindre les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique.

____________________________

(1)    Pour le ministre des transports, Amadou Koné, la question des transports n’est pas uniquement une question économique. C’est aussi une question d’unité nationale et de cohésion sociale.

(2)    Les coups d’État militaires qui se sont produits récemment dans la zone sahélienne s’expliquent en partie par l’exaspération et le sentiment de frustration des populations qui, confrontées à l’échec des gouvernements civils, se trouvent projetées hors de leur propre pays. Les populations et les jeunes générations affirment leur volonté de participer à l’Histoire d’une Afrique nouvelle en dénonçant d’une manière sélective, au profit de la Chine et de la Russie, les ingérences étrangères qualifiées de néocoloniales.

Christian GAMBOTTI –  Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org 

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