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Chronique Lundi – un objectif pour le gouvernement Achi 2 : Théoriser l’économie productive, sociale et écologie

Chronique Lundi – un objectif pour le gouvernement Achi 2 : Théoriser l’économie productive, sociale et écologie
Publié le
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Christian Gambotti
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Dans le livre qu’il va publier, « La Côte d’Ivoire au défi du social et de l’équilibre des territoires » (Collection L’Afrique en Marche), le Professeur Justin N’Goran Koffi nous renvoie à la philosophie politique du père de la Nation, Félix Houphouët-Boigny, l’un des plus grands réformateurs économiques, dont la politique sociale a profondément métamorphosé la société ivoirienne. 

Pour Justin N’Goran Koffi, Houphouët-Boigny a su théoriser l’articulation étroite entre l’économie et le social. Réputé socialiste, Houphouët-Boigny ne se laissera pas séduire par le chant des sirènes marxistes qui plongeront de nombreux Etats africains dans d’effroyables dictatures. Sa politique visera à toujours concilier l’investissement privé, l’apport des capitaux étrangers et le rôle régulateur de l’Etat. 

Dans son livre, Justin N’Goran Koffi nous renvoie à deux fameuses citations du Père de la nation : « Certes, nous ne sommes pas un pays socialiste, mais notre ambition est de réaliser (…) un social des plus hardis. » ; « Ce que veut l’Ivoirien, c’est le partage de la richesse et non de la misère. Et pour ce faire, il doit, avant tout, contribuer à créer des richesses. Pour Justin N’Goran Koffi, cette dernière citation d’Houphouët-Boigny vient nous rappeler que les politiques sociales sont financées par l’impôt, ce qui oblige l’Etat à une gestion rigoureuse des finances publiques et à lutter contre la corruption. Il faut donc créer des richesses avant de les redistribuer. 

L’âme du monde étant devenue libérale et marchande, le vieil affrontement entre le libéralisme et le socialisme est-il caduc ? Ce vieil affrontement existe toujours, car, la société ivoirienne, comme toutes les sociétés, voit s’affronter des intérêts divergents entre tous les acteurs économiques, entre le capital et le travail. Le libéralisme a montré sa supériorité pour accélérer le développement, Mais, un capitalisme et une économie financiarisée et mondialisée non régulés, à la recherche du seul profit pour quelques-uns, et qui refusent de servir l’intérêt général, engendrent des injustices et des inégalités sociales inacceptables, ferments des révoltes populaires.

L’économie productive

Pour construire une Côte d’Ivoire prospère et solidaire, Alassane Ouattara a choisi l’économie productive, c’est-à-dire le libéralisme. Les réformes néo-libérales mises en œuvre depuis 2011 ont porté leurs fruits avec une croissance forte et continue. Mais, j’écrivais, dans ma Chronique du 25 avril 2022 : « Sous la décennie Ouattara, avant la crise sanitaire de la Covid 19, la Côte d’Ivoire, qui est devenue le pays le plus riche de l’Afrique de l’Ouest, n’est toujours pas parvenue à éradiquer la pauvreté et lutter efficacement contre la corruption. Depuis 2020, la Côte d’Ivoire est entrée dans une ère nouvelle qui, « pour tenir compte de la conjoncture économique mondiale actuelle », a conduit le Président Alassane Ouattara à vouloir réduire les dépenses de l’Etat avec un gouvernement resserré et « réorienter les politiques publiques vers la résilience sociale et sécuritaire ». 

Il n’est donc pas question d’abandonner l’économie productive, puisqu’il s’agit, avec le gouvernement Achi 2, d’accélérer l’industrialisation et la transformation locale des matières premières, créer des emplois, notamment pour les jeunes. Pour des libéraux comme Alassane Ouattara et son Premier ministre Patrick Achi, la première des protections sociales est l’emploi. Poursuivre des réformes libérales en faisant appel à l’investissement privé et à l’apport des capitaux étrangers, est-ce suffisant pour légitimer l’action politique ? Evidemment, non. D’où la nécessité, pour le gouvernement Achi 2, de théoriser l’articulation entre l’économie productive et les politiques sociales.

L’économie productive au service du social

Lorsqu’il s’est exprimé à Yamoussoukro, devant la représentation parlementaire, Ouattara a tenu à préciser que, dans la feuille de route du gouvernement Achi II, l’une des priorités est de poursuivre et amplifier le deuxième programme social du gouvernement. L’ensemble des solidarités collectives, qui sont indispensables afin de protéger les plus faibles et ceux qui sont victimes des accidents de la vie, doivent être financées par l’Etat. 

En Côte d’Ivoire, la question sociale est au premier rang des questions que les pouvoirs publics ont à résoudre. Les questions qui se posent aujourd’hui, avec les violentes guerres économiques que se livrent les Etats et les régions du monde, le surgissement d’une pandémie comme la Covid-19 et les risques sécuritaires qui s’aggravent aux frontières du pays sont des questions sociales. 

Pour le Professeur Justin N’Goran Koffi, les politiques sociales, parce qu’elles consolident le vivre ensemble, ont un lien avec la stabilité politique, la paix civile et la démocratie.

L’économie productive au service de l’écologie

La Côte d’Ivoire a basculé d’un couvert forestier de 16 millions d’ha en 1960 à 2 millions d’ha aujourd’hui, ce qui représente une perte de 90 %, dont les causes sont connues. Autre statistique du ministère des Eaux et forêts : le pays comptait en 1960, 234 forêts classées d’une superficie de 4,2 millions d’ha, contre, en 2016, 231 forêts classées avec seulement 1,3 million d’ha de forêt non dégradée. 

Houphouët-Boigny, très tôt, avait insisté sur la nécessité de préserver la biodiversité. Un des messages qu’il a laissés figure à l’entrée du parc national du Banco à Yopougon : « La Côte d’Ivoire est trop belle. Trop harmonieuse et sereine pour que la responsabilité soit prise de détruire aveuglément ses beautés naturelles et ses richesses les plus authentiques. L’homme est allé sur la lune mais il ne sait pas encore fabriquer un flamboyant ou un chant d’oiseau. Gardons notre cher pays d’erreurs irréparables qui pourraient dans l’avenir l’amener à regretter ses oiseaux et ses arbres. » 

L’actualité mondiale est à l’urgence climatique. L’un des objectifs prioritaires que doit se fixer le gouvernement Achi 2, à l’heure cette urgence climatique, est de conduire des politiques de préservation du couvert restant et de reboisement sur tout le territoire. Quant au parc national de Banco, poumon d’Abidjan, il doit être mieux protégé.

La gouvernance Ouattara a besoin de se réinventer et de mieux théoriser l’économie productive, sociale et écologique, afin de répondre à la question sociale, toujours posée, jamais résolue. Ce qui doit s’inventer en Côte d’Ivoire, c’est ce libéralisme social et écologique. 

Pour les libéraux libertaires, l’État doit uniquement remplir ses fonctions régaliennes : la sécurité, la police, la justice, l’armée et la collecte de l’impôt. En aucun cas, il ne doit intervenir dans l’économie. Cette conception n’est pas celle de l’houphouétisme qui assigne à l’Etat un rôle régulateur et redistributif. 

Cette phrase du livre du Professeur Justin N’Goran Koffi peut servir de feuille de route au gouvernement Achi 2 : « Tout gouvernement doit être capable d’épouser le mouvement général du monde, mais il doit en corriger tous les excès, c’est-à-dire les impacts négatifs sur la vie des populations, notamment celle des classes populaires, en opposant à la théorie du « laissez-faire » des libéraux le rôle bénéfique de l’action régulatrice et redistributive de l’Etat.»

Christian Gambotti

Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique Partage – Directeur général de l’Université de l’Atlantique
Contact : cg@afriquepartage.org

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