Côte d’Ivoire-Portrait de Janine Kacou Diagou, une femme qui s’affirme et imprime sa légitimité

Dans le cadre de notre rubrique “Portraits et Itinéraires “, gros plan aujourd’hui sur l’une des femmes les plus influentes de Côte d’Ivoire et du continent africain.

[ D’abord une question de légitimité et un combat gagné ]

Quelle est la légitimité de celle ( ou celui ) qui, parce qu’elle est la fille ( ou parce qu’il est le fils ) , du fondateur d’un grand groupe, en devient le Directeur général ?

Les procès en légitimité, à l’intérieur ou à l’extérieur du groupe, ne sont pas rares. Ajoutons le fait que l’ « héritier » soit une « héritière », c’est-à-dire une femme. La suspicion est plus grande et s’ouvre alors le procès en compétence, parce qu’il s’agit d’une femme. Il faut, pour l’héritier, travailler deux fois plus, prouver deux fois plus sa légitimité et sa compétence. Pour une « héritière », il lui faudra travailler 10 fois plus.

Janine Diagou a été dans cette situation. Fille de Jean Kacou Diagou, l’un des deux Ivoiriens, avec Jean-Louis Billon, figurant dans ‘’le top 25’’ des Africains francophones les plus riches dans le classement 2015 du magazine américain ‘’Forbes’’, elle a dû prouver sa compétence, car seule la compétence, dans une entreprise, donne une légitimité à celui qui la dirige.

[ Directrice générale (DG) du groupe NSIA-Pôle banque créé par son père, elle a gravi les échelons par son travail ]

Jean Diagou n’est pas du genre à se laisser aller à une forme de complaisance qui le conduirait à confier la direction de son entreprise à quelqu’un d’incompétent, même s’il s’agit de sa fille.                                    

Le parcours de Janine Diagou témoigne de ses compétences et ses résultats lui confèrent une légitimité absolue. À 44 ans, les nombreuses distinctions qu’elle a obtenues, aussi bien en Côte d’Ivoire qu’à l’extérieur, prouvent que Janine Diagou est bien la bonne personne au bon endroit.

Son père, qui a fait de NSIA un grand groupe d’assurances et bancaire, ne s’est pas trompé. Janine Kacou Diagou a été classée par l’Institut Choiseul, l’un des plus importants Think Tank français, dans le Top 10 des ‘’Cent leaders économiques africains de demain’’. Pour l’anecdote, le classement de l’Institut Choiseul pour la France, avait consacré, en 2014 et en 2015(*1), Emmanuel Macron, que personne ne connaissait à l’époque.

Titulaire d’un Baccalauréat scientifique obtenu à Dakar, Janine Diagou poursuit ses études à Paris et à Londres, où elle obtient un Bachelor in Business Administration (IFAM) et un master in Science of Fianances (Middesex Univesity, London). Dès la fin de ses études, elle est vite repérée par le département Corporate finance de Citibank NA à Abidjan qu’elle intègre en 1995. Puis, elle fera partie de l’effectif du groupe Mobil ACDE comme auditeur. C’est à partir de là que son père, qui a toujours cru aux compétences de sa fille, s’intéresse à elle. Il fait appel à elle pour insuffler un nouvel dynamisme à son groupe. Quatre ans après, Janine Kacou Diagou, à la demande de Jean Diagou, rejoint le groupe NSIA, le premier groupe d’assurance d’Afrique francophone, en qualité de Directeur chargé de l’audit et du contrôle de gestion.

[ Simple auditrice avec un salaire divisé par deux  ]

« Je travaillais encore chez Mobile Côte d’Ivoire quand mon père  m’a proposé de me faire entrer comme simple auditrice dans le nouveau département d’audit qu’il était en train de créer au sein du groupe. Il me demandait de diviser mon salaire par deux. Je n’étais pas très emballée au début, d’autant que je ne connaissais pas le secteur de l’assurance. Il a donc fallu travailler dur pour démontrer que je méritais ma place. (…) Le challenge. Mon père m’a aussi fait comprendre que j’apprendrais certainement plus et que les possibilités seraient beaucoup plus nombreuses dans une société jeune et en pleine expansion que dans une filiale de multinationale. Et il avait raison. Même si les premières années ont été difficiles à assumer. Je ne voulais évidemment pas être perçue comme ‘’la fille de’’… J’avais quand même une certaine pression sur les épaules »,confiait-elle, le 17 septembre 2013, à Jeune Afrique

À partir de 2008, elle participe efficacement au développement du groupe. Cette année-là, alors Directeur central en charge de la stratégie et des finances pendant trois ans, elle accompagne l’entrée du fond de participation américain ECP dans le capital de NSIA. Puis, en 2015, elle gérera avec efficacité la sortie d’ECP et l’entrée de la Banque nationale du Canada et Améthis Finances dans le capital de NSIA.

Janine Diagou refuse de s’inscrire dans une logique de succession à la tête du Groupe. Cette question ne se pose même pas. Son ambition est double : consolider les acquis et développer NSIA. Il lui arrive alors, comme elle l’a confié à Jeune Afrique, de ne pas avoir la même vision stratégique que le Président du Groupe : « Il nous arrive de nous opposer sur certains positionnements concernant la stratégie. Il voudrait aller plus vite dans l’expansion du groupe dans la sous-région par exemple, quand je préfère d’abord consolider les acquis. » Petite précision apportée par cette mère de deux enfants : « Nous nous vouvoyons et je l’appelle toujours ‘’monsieur le Président ’ ».

[ Un Groupe en pleine expansion ]

Présent dans 12 pays africains, le groupe NSIA (Assurances et Banque) à fin décembre 2015 , à un chiffres d’affaires cumulé qui s’établit à 211 milliards FCFA. Il enregistre une progression de 8% par rapport à l’exercice précédent. Le Pôle Assurances est constitué, à fin 2015, de 20 filiales dont 12 en « non vie » et 8 en « vie ». Le chiffre d’affaires cumulé des filiales du Pôle assurances à fin décembre 2015 s’établit à 152 milliards FCFA, soit une progression de 2% par rapport à 2014. Le Pôle Banque du Groupe NSIA, composé de NSIA Banque en Côte d’Ivoire et en Guinée a enregistré une progression de 9 milliards de 2014 à 2015.

[ Les Diagou, père et fille, ne comptent pas s’arrêter là ]

Pour Janine Diagou, dans cette Afrique nouvelle en marche, « l’économie rassemble, alors que la politique divise ». Elle sait aussi que rien n’est possible sans une volonté politique, une action volontariste de l’État , afin de libérer les énergies et créer un climat favorable à l’esprit entrepreneurial. La réussite de la Corée du Sud s’explique par le rôle d’un État-stratège qui a, par une politique « interventionniste », permis au secteur privé de se développer.

Signe encourageant en Afrique de l’Ouest : tous les Chefs d’État ont été élus démocratiquement et tous encouragent l’investissement privé.

[ Une femme engagée dans la société civile ]

Ambassadrice de l’initiative ‘’African Women in business’’ au Africa CEO forum et marraine de l’AFIP (Africa Femmes initiatives positives), Janine Kacou Diagou est membre du Conseil Economique et Social de Côte d’Ivoire. Le 7 janvier 2015, elle a été faite Officier de l’Ordre national par la République de Côte d’Ivoire. Elle mène aussi le combat d’un « féminisme intelligent », afin de permettre, par l’accès aux études et à l’emploi, l’émancipation des filles. Ce qui la révolte : le sort qui est fait, dans les familles, aux filles, souvent sacrifiées et qui deviennent les « petites bonnes » de la maison. Son autre combat : le rayonnement de son pays à travers l’art.

À côté de la diplomatie économique, il y’a la diplomatie culturelle, vecteur fort de l’identité africaine.

Claude Dassé et Alice Ouédraogo

 

(Re)Lire >> Côte d’Ivoire-Sur les traces de Jean Kacou Diagou, un bâtisseur-visionnaire porté vers le Beau