Indépendante depuis 1973, la Guinée Bissau, une ancienne colonie portugaise, traverse actuellement une triple crise : crise politique, crise institutionnelle et crise économique.
Très préoccupée par la situation en Guinée Bissau, dont l’instabilité politique est, depuis 35 ans, un phénomène récurrent, la CEDEAO souhaite le règlement de la crise institutionnelle actuelle.
Le 26 mai 2016, le président José Mario Vaz a nommé M. Baciro Dia Premier ministre en remplacement de Carlos Correira, à la suite d’une crise parlementaire ouverte depuis janvier. L’ancien Premier ministre, M. Correira, et ses collègues du gouvernement limogé ont dénoncé une nomination « illégale et anticonstitutionnelle ». Quant à Baciro Dia, il a du mal à obtenir la confiance du parlement.
Alors qu’il était président en exercice de l’organisation régionale, Macky Sall, le Président sénégalais, a demandé aux leaders politiques de la Guinée-Bissau de s’appuyer sur la CEDEAO pour résoudre la crise politique dans leur pays. Ellen Johnson Sirleaf, la Présidente du Liberia, qui a succédé à Macky Sall à la présidence en exercice de l’organisation régionale, s’est saisie du dossier.
Lors du 49ème sommet extraordinaire de la CEDEAO, qui s’est tenu à Dakar en juin, le président Ivoirien, Alassane OUATTARA a déclaré que la Côte d’Ivoire était prête à participer à une mission de médiation à travers son ministre de l’Intégration africaine, Ally Coulibaly.
Le Premier ministre guinéen actuel, M. Baciro Dia, compte sur la Côte d’Ivoire pour avancer dans la résolution de la crise politique et institutionnelle.
Selon Bissau, Alassane Ouattara est l’une des grandes voix de l’Afrique et la Côte d’Ivoire le pays phare de l’Afrique de l’Ouest. Il appartient à la Côte d’Ivoire, dont l’influence est réelle dans la CEDEAO, de jouer ce rôle de médiation, afin de permettre à la Guinée Bissau de retrouver une stabilité politique nécessaire à son développement et assurer ainsi la sécurité dans la sous-région.
La Guinée Bissau a mandaté un avocat français très présent en Afrique, Maître Marcel Ceccaldi, pour nouer des contacts avec la Côte d’Ivoire.
Maître Ceccaldi, qui était à Bissau au début du mois de juillet, aurait pris des contacts avec Maître Jean-Paul Benoit, l’avocat de la Côte d’Ivoire, afin d’avancer sur ce dossier, car le temps presse.
Les raisons de la crise institutionnelle
Selon les spécialistes, la crise politique et institutionnelle que traverse le pays doit nécessairement conduire à une réforme de la constitution.
Le régime bicéphale en vigueur en Guinée-Bissau se traduit, comme en France, par une rivalité entre le Président et son Premier ministre.
Issu de la majorité parlementaire, le Premier ministre est en réalité l’homme fort de l’exécutif.
Selon la constitution bissau-guinéenne, c’est le gouvernement qui gouverne. Or, le Président de la République dispose d’une légitimité démocratique que lui confère son élection au suffrage universel.
D’ailleurs, l’élection de M. Vaz, en mai 2014, a été saluée par l’Union africaine, la CEDEAO et la communauté internationale, car elle a marqué un retour progressif à la légalité constitutionnelle dans un pays jusqu’alors en proie à une instabilité chronique et qui a connu plusieurs tentatives de coup d’État militaire.
Depuis 2015, les crises se succèdent. En deux ans, le Président José Mario Vaz a limogé deux Premiers ministres. Le 12 août 2015, invoquant « une crise de confiance » au sommet de l’État qui empêchait le « bon fonctionnement des institutions », le Président choisissait de limoger son Premier ministre Carlos Correira, très populaire au sein du parlement.
Les deux hommes s’étaient pourtant mis d’accord sur un programme de gouvernement qui traduisait une volonté commune de redresser le pays après les deux années de transition qui ont suivi le coup d’État militaire d’avril 2012.
Développement économique et stabilité politique
Le pays est aujourd’hui exsangue et ingouvernable. Économiquement, parmi les pays les moins avancés (PMA), la Guinée-Bissau est le dixième pays le plus pauvre du monde,. En 2005, le budget de l’État dépendait, à 75 %, de l’aide internationale et 85 % des habitants vivent avec moins de 1 dollar par jour. L’instabilité politique, les séquelles de la guerre civile de 1999, la faiblesse de l’État et l’absence d’infrastructures découragent les investisseurs et les possibilités de développement. À cause de sa pauvreté et de l’absence de l’Etat, la Guinée-Bissau est devenue, en quelques années, la plaque tournante de tous les trafics.
Pourtant le pays possède de nombreux atouts : 3e producteur de noix de cajou d’Afrique et 6e au niveau mondial, la Guinée-Bissau en produit 120 000 tonnes par an, ce qui lui rapporte 60 millions de dollars.
L’exportation de noix de cajou représente 60 % des revenus du pays. Il existe aussi de nombreuses autres ressources naturelles : bauxite, bois, pétrole (d’importantes réserves sont annoncées), phosphates, un littoral, très riche en poissons, un potentiel agricole énorme, une forêt encore exploitée de manière informelle.
Les tensions à la tête de l’État bissau-guinéen inquiètent la CEDEAO et la communauté internationale pour deux raisons : d’abord, cette nouvelle crise politique et institutionnelle qui dure depuis deux ans décourage les bailleurs internationaux du pays, qui avaient promis en mars 2015 un milliard d’euros à la Guinée-Bissau ; ensuite, le spectre d’un retour à la guerre civile et la menace d’un coup d’État militaire existent bien.
Il est donc temps de mettre en place cette médiation que souhaitent le Président et le Premier ministre bissau-guinéens. Pour cela, la Guinée Bissau compte sur l’aide de la Côte d’Ivoire, membre très influent de la CEDEAO. Le Premier ministre actuel, M. Baciro Dia, pourrait dans cette perspective rencontrer au plus vite Ally Coulibaly, le ministre ivoirien de l’Intégration africaine.
Christian Gambotti