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La chronique du lundi – sécurité, lutte contre la COVID-19, relance de l’économie : 3 domaines dans lesquels l’Afrique doit trouver un juste équilibre entre aides extérieures et autonomie

La chronique du lundi – sécurité, lutte contre la COVID-19, relance de l’économie : 3 domaines dans lesquels l’Afrique doit trouver un juste équilibre entre aides extérieures et autonomie
Publié le
Par
Christian Gambotti
Lecture 5 minutes

La sécurité, la lutte contre la COVID-19 et la relance de son économie sont, pour l’Afrique l’occasion de penser différemment son développement en allant vers plus d’autonomie. Pour le continent, s’ouvrir au monde, participer à la mondialisation des échanges commerciaux, ne doit pas signifier accepter de rester éternellement sous la dépendance des aides extérieures ou de s’en remettre à la solidarité internationale.

Si personne n’imagine que l’Afrique puisse, seule, lutter contre la menace terroriste, financer une campagne de vaccination contre la COVID-19 et relancer son économie, Akinwumi Adesina, le président de la Banque Africaine de Développement (BAD), considère que « L’Afrique ne doit pas dépendre des autres ».

Cela ne veut pas dire que les Etats africains doivent renoncer à nouer des partenariats dans le cadre du multilatéralisme ou signer des accords bilatéraux. Historiquement, les violentes concurrences géopolitiques, géoéconomiques et géostratégiques, qui existent entre la Chine, les États-Unis, la Russie, la Turquie et l’Europe sur le continent, doivent permettre à l’Afrique, en jouant sur ces concurrences, de tracer un chemin vers plus d’autonomie.

Aide extérieure et souveraineté en matière de sécurité

Tchad, Côte d’Ivoire, Mozambique sont aujourd’hui des pays qui, en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, doivent résoudre l’équation suivante : compter sur eux-mêmes et s’appuyer sur les aides extérieures. Le cas du Mozambique est révélateur de cet équilibre à trouver entre souveraineté et aide extérieure.

Alors que le président mozambicain Filipe Nyusi s’était toujours opposé à toute intervention étrangère, au nom de la souveraineté du pays, le Mozambique a officiellement demandé l’aide militaire des pays d’Afrique australe dans sa lutte contre les djihadistes qui, depuis 2017, mènent des incursions dans le nord-est du pays. En juin 2021, les seize pays d’Afrique australe, réunis à Maputo, ont trouvé un accord pour l’envoi de troupes, afin d’aider le Mozambique contre les djihadistes Chabab.

Lire aussi >> La chronique du lundi-Tchad et Mali :Deux cas d’école de l’arrivée au pouvoir d’un CMT(Conseil Militaire de Transition)

Lors de sa visite de travail en France, les 4 et 5 juillet 2021, le président tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno, a de nouveau reçu le soutien de Paris. Tout en précisant les objectifs de la transformation du dispositif militaire français au Sahel, le président français Emmanuel Macron a « réitéré son soutien à la transition » au Tchad et promis « à échéance rapprochée, une nouvelle aide budgétaire » en même temps qu’un traitement rapide de la dette tchadienne.

En Côte d’Ivoire, nouvel épicentre de la lutte contre le terrorisme, l’inauguration, le 10 juin 2021, de l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) atteste que le renforcement des capacités de lutte antiterroriste demande une réponse globale apportée par tous les acteurs de cette lutte. Si l’aide et l’expertise extérieures sont nécessaires en matière de sécurité, notamment avec le renforcement de leurs capacités militaires, l’objectif est de permettre aux Etats africains sous la menace terroriste d’être de plus en plus autonomes dans ce domaine.

Lutte contre la COVID-19 et souveraineté sanitaire

Sous la pression du variant Delta, l’Afrique vient d’enregistrer une forte hausse des cas de COVID-19 et le nombre de décès, selon l’OMS, a augmenté de 43 %, notamment dans les pays du Sud et de l’Est du continent, alors que le continent est le moins armé pour lutter contre cette pandémie pour deux raisons : les graves insuffisances du système de santé africain et un taux de vaccination qui reste très faible, avec seulement 2 % de la population totale vaccinée. On a longtemps cru que l’Afrique avec, uniquement, 6 millions de cas et 150 000 décès pour une population de 1,2 milliard d’habitants, était épargnée par la pandémie de la COVID-19. Ce n’est plus le cas. Deux pays viennent illustrer la faiblesse de l’Afrique face à cette flambée de l’épidémie : la Tunisie et le Rwanda.

Le système de santé public tunisien, qui a longtemps été cité en exemple, montre ses limites. Le Rwanda, qui avait réussi à contenir l’épidémie avec un confinement strict, un traçage efficace en 2020 et une campagne de vaccination dès le début 2021, vient de prendre des mesures de reconfinement face à l’explosion des cas.

Lire aussi >> La Chronique du lundi: Décryptage de l’annonce de la fin de l’opération « Barkhane » par Emmanuel Macron

Si elle veut apporter des réponses africaines contre la COVI-19, l’Afrique devra certes repenser le financement de son système de santé et son organisation, mais elle devra aussi conduire des politiques de production de vaccins sur son territoire, la défaillance du mécanisme de solidarité internationale Covax ayant entraîné des difficultés d’approvisionnement. Aujourd’hui, l’Egypte, qui fut le premier pays à s’engager dans cette voie avec le vaccin chinois Sinovac, le Maroc, l’Afrique du Sud et le Sénégal ont commencé à produire sur leur territoire des vaccins contre la COVID-19.

L’enjeu est à la fois un enjeu de santé publique, mais aussi un enjeu politique, les dirigeants africains devant montrer qu’ils ont la capacité de surmonter la difficulté d’approvisionnement des doses nécessaires à la vaccination de leurs populations. La COVId-19 est, historiquement, l’occasion pour l’Afrique de renforcer sa souveraineté sanitaire, alors que le continent dépend, dans ce domaine, des aides extérieures et de la solidarité internationale.

Relance de l’économie et autonomie de gestion

A l’invitation du Président Alassane Ouattara et de la Banque mondiale, de nombreux dirigeants africains se sont retrouvés, en présentiel ou en distanciel, au Palais des Congrès de l’hôtel Ivoire, à Abidjan, lors de la réunion de la « XXème reconstitution des ressources de l’Association internationale de développement » (IDA).

Ce fonds de la Banque mondiale permet d’accorder des subventions et des prêts à taux zéro ou faible aux pays les plus pauvres ou en voie de développement, afin de stimuler et consolider leur croissance économique. A la fin de la réunion, dans une déclaration commune appelée la « Déclaration d’Abidjan », les dirigeants africains ont demandé de rehausser le fonds de l’IDA de 82 à 100 milliards de dollars sur les trois prochaines années. Là aussi, en matière de relance économique, la priorité absolue pour les Etats africains est d’aller vers plus d’autonomie en gérant eux-mêmes leurs richesses.

Christian GAMBOTTI,
Agrégé de l’Université,
Président du think tank Afrique & Partage – CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) –
Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone –
Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs africains.

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