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L’accès à l’information culturelle : Une condition pour l’éducation artistique du public

L’accès à l’information culturelle : Une condition pour l’éducation artistique du public
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La Rédaction
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La nécessité pour les populations, sur l’étendue du territoire ivoirien, de jouir librement d’un accès à l’information culturelle via des canaux comme la télévision, la radio, la presse en ligne et digitale est un enjeu capital pour leur éducation artistique. Malheureusement le constat est que plusieurs populations dans le nord, l’est, l’ouest, le centre n’ont pas accès à l’information culturelle pour forger leur éducation artistique. Ce, afin de comprendre et de mieux participer au développement des arts et de la culture à travers la consommation des œuvres d’arts mais aussi en vue de bénéficier des services culturels dans ce vaste mouvement des industries culturelles et créatives.

La Côte d’Ivoire est dotée d’une loi n° 2014-425 du 14 juillet 2014 portant politique culturelle nationale avec plusieurs articles dont la favorisation du libre accès de toutes les populations aux arts, à la culture et à l’éducation artistique. Ce qui traduit le droit des populations ivoiriennes à avoir accès aux arts, à la culture et à l’éducation artistique. Ce, à travers plusieurs mécanismes dont la mise à disposition de l’information culturelle. L’enjeu de l’accès à l’information culturelle et le rôle joué par les journalistes et les media est si important pour le public que certains journalistes y ont consacré des écrits théoriques. 

© source Jeune Afrique

 Le journaliste français Jean Luc LAGARDETTE affirmait dernièrement ceci parlant des journalistes et de leur rôle : « Pensez au lectorat ! Vous êtes un médiateur entre lui et le monde. Il compte sur vous pour trouver ce qu’il a besoin de savoir pour mener au mieux son existence ». Cette affirmation traduit toute l’urgence de l’accès à l’information pour nos populations proches et les plus lointaines. Cette orientation de LAGARDETTE montre que les journalistes ont une énorme responsabilité vis-à-vis du lectorat, des téléspectateurs, des auditeurs et des internautes. Parlant des arts et de la Culture, il a été constaté que le public consomme mieux un produit culturel lorsqu’ il a un minium de connaissance sur l’univers qui a vu naître l’œuvre de l’artiste.  Or près de 45% des populations en Côte d’Ivoire n’ont pas un accès facile à l’information culturelle.

La Côte d’Ivoire atteint de près 27 millions d’habitants d’après les dernières estimations des Nations Unies. Le taux de personnes ne sachant pas lire et écrire est estimé à peu près à 49% selon cette même source. Ce qui signifie que près de la moitié de la population, bien que jeune, ne peuvent pas lire les informations sur les arts dans la presse écrite. Car jusqu’à preuve du contraire, la presse écrite est le media traitant le plus de l’actualité culturelle.  Face à l’enjeu et au besoin vis-à-vis des personnes ne sachant pas lire, la démocratisation de l’information culturelle s’impose.

La démocratisation de l’information culturelle et artistique

 Aujourd’hui le besoin le plus ardent pour un accès productif de l’information culturelle et artistique chez nos publics est la démocratisation des media vis-à-vis de cette information car nous sommes dans une période où les médias se libéralisent et la création artistique prospère à une vitesse qu’impose le numérique.  La culture et les arts ont une place très importante dans ce vaste processus de développement de notre société. Dans ce vaste mouvement, la radio, la télévision, l’internet ont encore plus à impacter que la presse écrite car 45% des populations sont privées de l’information culturelle via la presse écrite. A travers cette orientation, l’enjeu est de positionner, au nom de cette démocratisation, la télévision, la radio et internet au centre de la politique d’accès à l’information culturelle. Avant de revenir sur la question de la démocratisation telle que nous l’avons entamée, parlons de l’éducation artistique via la télévision par exemple à travers les émissions de divertissements.

L’éducation artistique du public et l’accès à l’information à travers les émissions de divertissements

Beaucoup d’informations culturelles et artistiques proviennent des activités de divertissements comme des émissions sur la danse, le théâtre, la musique, l’humour, le conte, le slam, la littérature etc. Varietoscope, podium et wozo vacances retransmis à la télévision ont favorisé l’éducation artistique de beaucoup de spectateurs qui ne savaient pas lire et écrire.  A travers ces émissions, ils ont compris la différence entre une musique traditionnelle et une musique moderne.  Entre un décor symbolique, historique (fait historique), de société (fait de société). Entre une tenue de danse traditionnelle et une tenue moderne.  

Concernant, l’Histoire, Ceux qui n’avaient jamais entendue parler de Samory Touré, de La reine Pokou ou encore de Chaka Zuku et autres grands faits en Afrique ont été éduqués.  Pareil pour le fait de la distribution du pain multiplié par Jésus ou la sagesse de Salomon.  Les faits du prophète Mahomet…Pareil pour Podium.  Ceux qui ne savaient rien de l’organologie qui est la science qui étudie les instruments de musique et leurs classifications ont su ce qu’est une guitare, un piano, un xylophone etc.  Allons plus loin, ils ont aussi appris à faire la différence entre une improvisation réussie et non. Il faut savoir que les activités artistiques soumises à l’entendement du public ne sont pas fortuites. Elles ont une conséquence. Savez-vous pourquoi tant de personnes réclamaient Varietoscope ou continuent de réclamer Podium en Côte d’Ivoire ? 

© Source le Monde

Savez-vous pourquoi le théâtre en Côte d’Ivoire a perdu une très grande audience au niveau du public ?  Ignorez l’éducation artistique du public, potentiel consommateur des arts et de la culture, est la pire des choses qui puisse arriver à une société. Les conséquences sont graves parce qu’elles créent la disparition des produits culturels, dont la perte de patrimoine culturel. Nous dévalorisons et perdons au fil des années des biens culturels matériels et immatériels parce que nous ignorons que ces biens sont pour l’éducation artistique et culturelle du public. Le niveau de l’éducation artistique du théâtre, du cinéma, de la littérature, des arts plastiques, de la musique, de la danse, de la mode, etc. sont visibles à l’œil nu.  Nous connaissons toute l’audience de ces produits dans notre société. 

Les créateurs, les hommes de la production, les décideurs et les journalistes culturels doivent savoir qu’ils ont une grande responsabilité vis-à-vis du public. Il faut bien comprendre ces choses. J’ai l’habitude de dire que c’est la critique qui enrichit une œuvre parce qu’elle aura permis au public, potentiel consommateur de produits culturels de mieux comprendre et d’apprécier le génie créateur de l’artiste. Les regards des professionnels des médias, des décideurs, des créateurs et du public doivent changer.  C’est pourquoi il faut mettre l’accès sur la démocratisation de l’information culturelle et artistique

L’heure de la démocratisation des médias sur l’information culturelle et artistique

L’accès à l’information culturelle est possible grâce à la démocratisation des médias vis-à-vis des activités culturelles et de leur mise à disposition chez le public. Cela se constate beaucoup plus à la télévision, à la radio et sur internet à cause de la possession massive des smartphones par le public. Et, qui sont susceptibles de contenir des vidéos et discours radiophoniques sur les arts. La culture est à la fois un moteur et un catalyseur du développement économique durable. Cette économie dans le sens des industries culturelles et créatives à travers la création, la production et la commercialisation passe par le consommateur donc le public.  C’est pour cela qu’aucun public ne doit être privé de l’information culturelle.

Or, la majeure partie du public est privée de l’information culturelle et artistique émise par la presse écrite.  En dehors des émissions de divertissement, l’impact des journalistes culturels et critiques d’art doit être effectif non plus seulement dans la presse mais plus que jamais à la télévision et à la radio pour aider le public à comprendre l’actualité culturelle et artistique.

© source la tribune Afrique

Longtemps, les critiques d’art et les journalistes culturels sont restés assis devant leurs bureaux avec leurs stylos et leurs feuilles pour ne rendre service qu’à la presse écrite et aujourd’hui à celle en ligne. Ce, tout en privant le public de critiques à la télévision et à la radio. Combien d’œuvres d‘arts sont passées inaperçues par faute de prescriptions à destination du consommateur à la télévision, à la radio et même à la presse écrite ? La liste est longue. Il faut désormais envahir la télévision et la radio même si aujourd’hui internet offre cette possibilité à travers la web-tv et la web-radio. Il est temps pour les critiques et les journalistes culturels d’aider le public illettré à avoir accès à l’information culturelle et artistique à travers la télévision et la radio. 

Les critiques et les journalistes culturels doivent envahir la télévision et la radio avec des émissions sur les domaines des arts et de la culture. Seul gage de fabrication de l’actualité culturelle. Il faut créer cette actualité. Combien de personne savent le mouvement de Mme la ministre de la Culture et de la Francophonie sur les grandes activités ? Les initiatives et sorties de la Ministre de la culture doivent être plus médiatisées. Il s’agit de décrypter l’évènement où elle s’est rendue à partir de débats et autres émission nécessaires pour le public. Les journalistes culturels et les critiques doivent ainsi désormais se demander : pourquoi j’écris tel article ? Et quel est son objectif ?

Plus les informations traitées par les critiques d’art et les journalistes culturels sont consultées par le public, plus ces informations deviennent indispensables pour le consommateur comme des rendez-vous à la télévision, plus l’œuvre artistique est connue et comprise par le consommateur, plus la prescription prend forme, plus l’éducation artistique populaire est pourvue, plus le travail des critiques d’art et des journalistes culturels est reconnu par la société.

Le recrutement

Aujourd’hui, les émissions culturelles et artistiques radios et télévision sont bondés de chroniqueurs qui malheureusement ne sont pas des critiques d’art, des journalistes culturels. Comment demander à des généralistes de traiter des sujets aussi spéciaux comme la culture et les arts de surcroît à la télévision ? Les nouvelles chaines de télévision et de radio par leur mauvais recrutement appauvrissent l’éducation du public. Et c’est dangereux. Au nom de la recherche des audiences ce qui devrait être noble pour l’éducation du public, va en vrille. C’est dommage. Aujourd’hui, la présence de véritables journalistes culturels et critiques d’art à la télévision et à la radio devaient être une opportunité pour favoriser non seulement l’accès à l’information culturelle et aussi à l’éducation artistique du public.

Le non financement des associations de critique d’art et de journalisme culturel

L’un des obstacles à cette démocratisation et cet accès à l’information culturelle est le manque de subvention, de financement des associations de critique d’art et de journalisme culturel. Faire de grands papiers sur les arts et la culture demande des moyens. Des rédacteurs en chef ne le voient pas sous cet angle. Pour eux n’importe qui peut écrire sur les arts et la culture. 

L’autre souci est celui de l’espace de contenu. Les journalistes culturels ont peu d’espace dans les quotidiens, les hebdomadaires pour publier leurs articles sur les événements culturels et artistiques. Nous avons des critiques d’art qui ont l’habitude de faire des articles de fond sur des produits ou un événement culturel, mais qui malheureusement ont dû mal à toucher un plus grand nombre de publics par leur critique à cause du manque d’espace ou pire de leur absence dans les rédactions. C’est l’une des raisons pour laquelle la critique d’art est presque méconnue et l’action de la presse culturelle est moins impactant.  Les journalistes culturels et les critiques d’art doivent travailler pour l’éducation artistique du public et l’accès à l’information culturelle.

Christian Guehi

guehichristianh@gmail.com

0757189978

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