L’agriculture représente plus de 20 % du PIB de la Côte d’Ivoire et elle occupe plus de 50 % de la population active. Avec des cultures vivrières d’une grande diversité qui permettent de couvrir les besoins alimentaires des populations et des cultures industrielles destinées à l’exportation, la Côte d’Ivoire est une véritable puissance agricole. Des chiffres témoignent de l’importance de ce secteur : les cultures industrielles représentent plus de 60 % des recettes d’exportation, le seul binôme café-cacao, – la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao -, représente 40 % de ces recettes d’exportation et 15 % du PIB ; 70 % des industries ivoiriennes utilisent les produits agricoles comme matières premières. Le premier « miracle économique ivoirien », sous Houphouët-Boigny, repose essentiellement sur les cultures d’exportation,- notamment le binôme café-cacao -, qui ont permis au pays d’avoir une balance commerciale excédentaire et financer son développement.
En même temps, l’agriculture a bénéficié d’un environnement sociopolitique stable. A partir des années 1993, les conflits fonciers et les troubles sociopolitiques entravent ce secteur. Présent au Salon international de l’Agriculture à Paris, Le Pr Justin N’Goran Koffi, le Directeur général de l’ARRE (Autorité de Régulation du Système de Récépissés d’Entreposage), résume ainsi la situation : « la Côte d’Ivoire reste aujourd’hui encore une puissance agricole, mais elle doit relever quatre défis : celui d’une meilleure productivité ; celui d’une meilleure rémunération du travail dans l’agriculture ; celui de la création d’une véritable industrie de transformation locale des matières premières agricoles ; celui de l’adaptation au changement climatique.
Ces quatre défis supposent une accélération de la modernisation et une diversification de ce secteur-clef de notre économie. » La volonté du président Alassane Ouattara et du Premier ministre Patrick Achi est de créer les conditions, dans l’Après-Covid, qui vont permettre à la Côte d’Ivoire, par l’orientation des politiques publiques, de rester une puissance agricole et conserver son rang sur le marché mondial des cultures d’exportation. L’objectif est triple : relever le défi de la sécurité et de la souveraineté alimentaires ; accroître la part de l’agriculture dans le PIB national ; augmenter le revenu des producteurs.
Les difficultés de l’agriculture ivoirienne
◊ L’agriculture vivrière – Cette agriculture, destinée à répondre aux besoins alimentaires des populations, souffre de trois handicaps : essentiellement extensive, elle est peu productive et peu rémunératrice ; elle utilise des techniques et des matériels agricoles rudimentaires, archaïques ; elle est souvent enclavée, ce qui rend difficile l’accès aux produits et leur écoulement. Ces handicaps font que les nouvelles générations se détournent du secteur de l’agriculture.
◊ L’agriculture industrielle – Les obstacles à la valorisation des productions industrielles sont les suivants : la volatilité des prix des matières premières agricoles brutes sur le marché mondial, notamment dans le binôme café-cacao ; le vieillissement des exploitations et des vergers café-cacao ; l’enclavement de plusieurs régions agricoles ; le faible taux de transformation locale des matières premières agricoles brutes ; la faible capacité d’action et d’accompagnement des structures d’encadrement des filières agricoles ; les difficultés de conservation et de stockage des produits agricoles ; la gestion erratique des filières café-cacao et coton-anacarde ; les conflits fonciers. S’ajoute un paramètre nouveau : les difficultés d’ordre climatique qui impactent négativement la production, l’agriculture étant tributaire du temps et du climat. Aujourd’hui, producteurs et éleveurs ivoiriens connaissent une paupérisation accrue à cause du réchauffement climatique.
Accélérer la modernisation du secteur agricole
La stabilisation politique du pays, une réalité palpable depuis 2011, a permis de conduire des stratégies de règlement des conflits fonciers et de désenclavement des régions agricoles, préalables à la modernisation de l’agriculture. Il convient à présent de diversifier les productions agricoles, améliorer les techniques de culture et de conservation des produits, fournir gratuitement des intrants de qualité aux petits producteurs. Ces intrants ne sont plus gratuits depuis la libéralisation des filières agricoles. Le rôle de l’Etat est d’informer les producteurs sur les nouvelles techniques de production et les nouveaux intrants, les aider à acquérir un matériel moderne et une meilleure connaissance du marché, à se constituer en coopératives agricoles. L’idéal est que chaque agriculteur soit être en mesure de devenir un entrepreneur agricole avec des objectifs de rentabilisation au-delà de l’objectif de subsistance. Pour améliorer la qualité et la productivité, l’État doit consolider les instituts de recherche, d’encadrement et de formation.
Une présence forte au Salon de l’Agriculture de Paris.
La Côte d’Ivoire est présente au Salon International de l’Agriculture de Paris avec une forte délégation conduite par Kobenan Kouassi ADJOUMANI, Ministre d’Etat, Ministre de l’Agriculture et du Développement Rural, et Sidi Tiémoko TOURE, Ministre des Ressources Animales et Halieutiques. Convaincus par le potentiel ivoirien dans l’agriculture, l’élevage et les ressources halieutiques, les partenaires sont nombreux à vouloir investir pour moderniser et dynamiser ce secteur-clef du développement économique, social et humain. L’agriculture est un enjeu de sécurité et de souveraineté alimentaires. Pour le Justin N’Goran Koffi, « la démographie, l’urbanisation galopante et les sombres perspectives d’un exode rural massif, malgré des incitations à un retour à la terre, obligent la Côte d’Ivoire à maîtriser cet enjeu, afin d’éviter les crises alimentaires et le retour de l’instabilité politique.»
Christian Gambotti,
Agrégé de l’Université, Président du think tank Afrique & Partage, Directeur général de l’Université de l’Atlantique, éditorialiste, essayiste.`