BAH Jaffar Deen, alias “Pothiol” âgé de 27 ans, est diplômé en informatique au Libéria. Il est revenu au pays de ses ancêtres en 2006 où il se consacre à la comédie et à l’humour. Passionné de ce métier, le jeune, orphelin de père ne mène pas sa carrière sans difficultés. Nonobstant les nombreux aléas de la nature, Jaffar Deen ne désarme pas. Afrikipresse a échangé avec ce jeune qui habite un quartier populaire de la haute banlieue de Conakry {Cosa}.
À la question de savoir comment l’informaticien de formation a fait pour devenir un humoriste adulé par la population , Pothiol confie : ”c’est une question de chance, de vie, puisque quand j’ai terminé les études, je suis revenu en Guinée car c’était dur là-bas. Et quand je suis venu ici, la même chose a continué. Comme je n’avais pas le choix, je me suis orienté vers la comédie”.
Lire aussi >> Cinéma : Plus de 3 milliards de FCFA consacrés à la relance de la production de 2012 à 2019
Pour lui, la comédie a toujours été une passion. ”J’aimais bien la comédie. Seulement, je n’avais pas les moyens d’y intégrer”. Grâce à un de ses amis, Mamadou Oury Barry, alias “Koto Diao”, Jaffar Deen commence à réaliser son qui est de devenir comédien humoriste. ”Et ça se passe bien, parce que pour moi c’est un grand métier qui permet de réaliser mes rêves”, assure-t-il.
Bah ne fait uniquement la comédie. ”Je fais des films, le stand-up aussi. Et je fais le cinéma et la comédie depuis 2008. J’ai fait des films et jusqu’aujourd’hui je me retrouve dans le stand-up”.
Le fait de prioriser le stand-up au film a une raison, explique l’humoriste guinéen. ”Ce n’est pas une négligence, c’est parce qu’actuellement le cinéma guinéen ne donne pas beaucoup. Il n’y a pas de soutien. Le cinéma guinéen est trop local. Au niveau du stand-up, je suis mieux vu que dans le cinéma. Là je suis visible, direct et ça me permet de véhiculer le message que j’ai envie de véhiculer”, développe le jeune Pothiol. ” Sur scène , ajoute-t-il, je suis le Roi. Je peux véhiculer n’importe quel message sans atteindre la dignité ou l’intimité d’une personne”.
Lire aussi >> Le cinéma africain en deuil : ce que Idrissa Ouédraogo m’avait confié
Il adore faire rire les gens parce que ”c’est lié à mon être. Depuis toujours, j’aime faire rire les gens. Parce que pour moi le rire est une sorte de médicament de stress, de soucis. Avec le rire, tout ira bien. Tous les temps on est stressé, fâché, mais moi je trouve qu’avec le rire on peut vite remonter le moral. Ça soigne donc !”
Pour arriver à réaliser ce rêve, Pothiol n’évolue pas à ‘aveuglette. Il s’inspire des vedettes du monde humoristique. ”J’ai deux sources d’inspiration: je m’inspire beaucoup sur *Michael Kyle* qui s’appelle Dayne Remond, il est Américain. Il a tourné des séries comme “ma famille d’abord” que je regarde souvent. C’est un acteur qui m’inspire beaucoup. J’aime sa manière de faire, ses gestes, sa comédie. Et je m’inspire beaucoup aussi sur les ivoiriens, notamment “Magnific” qui est mon idole en Afrique. C’est un homme qui fait partie de ceux qui m’ont ouvert le cœur, l’esprit… J’aime également Nache qui est un Noussy de la côte d’ivoire”, dévoile-t-il à Afrikipresse.
Le passionné du stand-up n’évolue pas en solo dans le tournage des sketchs. ”… j’ai un groupe composé de treize éléments. Dans ce groupe , on produit des films. Il y a un seul petit que je forme pour faire du stand-up afin qu’il puisse m’accompagner. C’est comme les deux ivoiriens Zongo et Tao. Je le forme pour lui donner aussi sa chance, car tout peut arriver dans la vie”.
Lire aussi >> Festival du film francophone d’Angoulême : une belle opportunité pour le cinéma ivoirien
Cette activité ne s’effectue pas sans contraintes. ”Dans chaque chose, il y a des difficultés”, reconnaît Pothiol. ”Au début, se souvient-il, je trouvais que c’était très dur parce que je n’étais pas adapté. Même le langage parce que je ne savais parler que l’anglais. Je n’étais pas bien en français ou en pular. C’était difficile pour moi pour un temps, et j’ai fini par m’adapter au système guinéen, et maintenant ça va”. Manque de soutien et avenir du cinéma !
Jaffar Deen déplore le manque de protection et de soutien de la part de l’État aux artistes dans leurs œuvres cinématographiques en Guinée. ”Le problème est que nous ne sommes pas suivis, mais également, on n’est pas protégé. Nous sommes stigmatisés voir oubliés par l’État. C’est à eux de nous prendre en charge mais également de protéger nos œuvres et nous faire respecter”, insiste Bah.
“Aujourd’hui, fait-il remarquer, je suis enregistré au BGDA (bureau guinéen de droits d’auteurs), j’ai mon badge. Mais c’est comme si je n’avais rien. Alors que les chanteurs comme Élie Kamano (reggae-man guinéen) n’ont même pas besoin de présenter leur badge pour dire qu’il est artiste. Je ne vois pas un endroit de la Guinée où je peux aller sans qu’on ne me reconnaisse même sans mon badge. Mais même avec mon badge je ne suis pas respecté par les services de sécurité notamment au niveau des barrages. C’est comme si nous sommes oubliés quoi”, regrette Pothiol.
Lire aussi >> Fespaco 2017 – les craintes d’Idrissa Ouédraogo : « l’acte de décès du cinéma africain a été signé »
Pour que les artistes soient considérés, il pense qu’il faut prendre en considération la culture guinéenne d’abord. ”Tant qu’on ne respecte pas les valeurs de la culture guinéenne, et qu’on cesse de marginaliser certains artistes au profit des artistes chanteurs, ça ne va pas avancer”.
Sur son regard pour l’avenir du cinéma guinéen, le stand-upper prédit une fin malheureuse : ”Si ça continue comme ça, bien que les gens sont courageux, dans 4 à 5 ans, le cinéma va tomber. Ce n’est pas notre souhait. Mais le cinéma va tomber parce qu’on n’accorde pas de considération à la culture. Les politiques n’accompagnent pas. Sinon, si on sort un film aujourd’hui avec 1000CD, on ne peut même pas vendre 500 parce que tout simplement il y a la piraterie partout. Nos droits d’auteur ne sont pas protégés. On a un département de la culture et du patrimoine historique pour jouer ce rôle, mais il ne prend pas ses responsabilités pour ces genre de choses. C’est la vérité. C’est ce qui me pousse à dire que si ça continue comme ça, dans 5 ans, le cinéma guinéen va tomber. On n’est pas protégé et je demande aux responsables de nous prendre au sérieux. Il faut qu’ils nous aident à protéger nos œuvres… ”.
Par Aliou BM Diallo, à Conakry