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    La chronique du lundi : Que signifie la fin de Barkhane pour l’Afrique de l’Ouest ? Changement de stratégie ou désengagement de la France, alors que la Côte d’Ivoire est sous la menace du terrorisme djihadiste ?

    La chronique du lundi : Que signifie la fin de Barkhane pour l’Afrique de l’Ouest ? Changement de stratégie ou désengagement de la France, alors que la Côte d’Ivoire est sous la menace du terrorisme djihadiste ?
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 5 minutes

    La France, qui vient d’annoncer la fin de Barkhane, va fermer, d’ici 2022, ses bases du Nord Mali : Kidal, Tessalit et Tombouctou. Quels sont les enjeux de la fin de Barkhane pour la région du G5 Sahel, mais aussi pour l’Afrique de l’Ouest et les pays côtiers du Golfe de Guinée comme la Côte d’Ivoire ? Il ne s’agit pas d’un désengagement de la France dans la lutte contre le terrorisme en Afrique, mais d’un changement de stratégie nécessaire après plus de huit ans d’un engagement massif.

    Lors d’une conférence de presse conjointe à Paris avec le nouveau président nigérien Mohamed Bazoum, dont le pays appartient au G5 Sahel, – les présidents tchadien, malien, burkinabè et mauritanien, autres membres de la coalition du G5 Sahel, étaient présents en visioconférence -, Emmanuel Macron a déclaré : « Nos adversaires ont aujourd’hui délaissé une ambition territoriale au profit d’un projet de dissémination de la menace plus seulement à l’échelle du Sahel, mais à l’échelle de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest », précisant que, désormais, les groupes terroristes sont à l’offensive « dans les zones se situant à la frontière entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire ».

    Selon la France, « Cette offensive présage malheureusement d’une pression renforcée sur l’ensemble des pays du golfe de Guinée », pression « qui est d’ores et déjà une réalité ». Deux évidences s’imposent : les États du golfe de Guinée sont de plus en plus menacés par les djihadistes ; la Côte d’Ivoire, pays frontalier avec le Burkina, voit s’ouvrir au nord du pays un nouveau front de lutte contre le terrorisme.

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    Pour de nombreux observateurs africains, qui ne sont ni pro- ni anti-français, comme l’universitaire sénégalais Boubacar Bertrand Bald, « l’islam politique est une réalité qui gagne du terrain avec des ramifications partout sur le continent et des cellules dormantes dans plusieurs pays de la sous-région. » Selon le chercheur Lassina Diarra, auteur de « La CEDEAO face au terrorisme transnational » (Ed. L’Harmattan), les djihadistes, déjà installés dans la zone des « trois frontières » (Mali, Niger, Burkina), multiplient les incursions en Côte d’Ivoire et visent le Ghana.

    La fin de Barkhane : les enjeux d’une nouvelle stratégie globale

    Aujourd’hui, ce sont 5 100 militaires français qui sont engagés dans la zone du Sahel à travers Barkhane. A terme, ce seront 2 500 ou 3 000 soldats qui seront maintenus dans la région. Cette réduction des effectifs s’explique par un changement de stratégie dans la lutte contre le terrorisme.

    Désormais, l’engagement français s’articulera autour de 3 objectifs : 1) « la neutralisation et la désorganisation du haut commandement des deux organisations ennemies » que sont Al-Qaïda et le groupe État islamique (EI) ; 2) « l’appui à la montée en puissance des armées de la région », la lutte contre le terrorisme devant être assumée par les armées africaines ; 3) la mise en place d’une task force européenne Takuba, localisée sur la base française de Niamey et composée de troupes d’élite (600 hommes, dont la moitié de Français, les commandos d’élite de la task force française « Sabre », et des Estoniens, des Tchèques, des Suédois et des Italiens.).

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    Parallèlement, seront maintenues et renforcées des capacités essentielles d’intervention rapide et de surveillance. Selon Paris, l’heure est venue pour les Etats de la région de renforcer leur capacité militaire dans la lutte contre le terrorisme, mais aussi de mettre en œuvre des politiques de développement économique et social et œuvrer pour la stabilité politique.

    La Côte d’Ivoire sous la menace terroriste

    La Côte d’Ivoire et les autres États côtiers du golfe de Guinée sont de plus en plus menacés par les djihadistes. Après l’attentat de Grand Bassam en juin 2016, la Côte d’Ivoire est devenue une cible du terrorisme islamique. L’attentat de Grand Bassam était l’œuvre de kamikazes qui avaient ouvert le feu contre des civils sur la plage et des terrasses d’hôtel de la station balnéaire. Les attaques, dans le nord du pays, à la frontière du Burkina, sont le fait de combattants islamiques qui ont ciblé, dans la zone enclavée de Kafolo, un poste militaire. Le 13 juin 2021, s’est déroulée près de Tougbo, une localité du Nord-Est, une autre attaque contre les militaires ivoiriens : un engin explosif télécommandé, posé sur la route, a détruit un véhicule militaire, tuant trois soldats.

    Question : l’Etat ivoirien est-il suffisamment fort et son armée, suffisamment équipée et formée, pour lutter efficacement contre le terrorisme ? Une Académie Internationale de Lutte Contre le Terrorisme (AILCT) a été inaugurée en Côte d’Ivoire, le 10 juin 2021, afin d’apporter une réponse globale dans la lutte contre les djihadistes qui intensifient leurs actions en Afrique de l’Ouest. Un autre péril menace les pays côtiers du Golfe de Guinée : le péril narco-djihadiste, c’est-à-dire la connexion entre les narcotrafiquants d’Amérique latine et les djihadistes d’Afrique de l’Ouest (1).

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    La France suit de près les évolutions géopolitiques dans le Golfe de Guinée, ce haut lieu de la piraterie maritime où elle est présente depuis 1990, avec l’opération Corymbe. L’Afrique de l’Ouest apparaît de plus en plus au cœur des enjeux de sécurité, non seulement pour l’Afrique mais aussi pour l’Europe. Son effondrement menacerait la sécurité du monde.

    La fin de Barkhane n’est pas un désengagement de la France dans la lutte contre le terrorisme. Signe évident de l’engagement de la France : lors de la récente visite de travail à Paris du président tchadien, le général Mahamat Idriss Déby, Emmanuel Macron a tenu à réaffirmer « son attachement à l’intégrité territoriale du Tchad et sa présence aux côtés du peuple tchadien dans cette période sensible».

    Christian GAMBOTTI
    Agrégé de l’Université,
    Président du think tank Afrique & Partage –
    CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) –
    Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone –
    Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs africains.
    (1) Revue Conflits, juillet 2021, article : « Afrique de l’Ouest. Le péril narco-djihadiste »

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