Élu pour un autre mandat, le Président Alassane OUATTARA prêtera serment conformément à la Constitution ivoirienne. Peut-il nommer un vice-Président de la République avant sa prestation de serment ou doit-il le faire après ? Autrement, quels sont ses pouvoirs en la matière.
Avant de voir les incidences de la prestation de serment, il convient d’en cerner la notion. Le serment est défini par le lexique des termes juridiques comme « une déclaration solennelle faite par le Président de la République devant un juge ou une autorité investie de respecter la Constitution ». La prestation de serment est donc l’acte de prêter serment. Cette notion est conforme à l’article 58 de la Constitution ivoirienne du 08 novembre 2016 aux termes duquel : « Après la proclamation définitive des résultats par le Conseil constitutionnel, le Président de la République élu prête serment sur la Constitution devant le Conseil constitutionnel, réuni en audience solennelle ».
La prestation de serment, cérémonie institutionnelle et constitutionnelle, marque la fin du mandat du Président de la République en fonction et ouvre le début du mandat du Président de la République élu au terme du précédent scrutin présidentiel. Ainsi, à l’issue de cette « audience solennelle » du Conseil Constitutionnel, le chef de l’Etat en fonction perd ses attributs de Président de la République et son successeur reçoit les attributs de sa fonction. L’un est dévêtu de ses pouvoirs présidentiels et l’autre, qui en est revêtu, entre en fonction. Cette entrée en fonction se tient à une date prévue par la Constitution : « la prestation de serment du Président de la République élu a lieu le deuxième lundi du mois de décembre de la cinquième année du mandat du Président de la République en fonction. Au cours de cette cérémonie publique, il reçoit les attributs de sa fonction et délivre à cette occasion un message à la Nation » (article 58 alinéa 2 de la Constitution).
Le Président de la République en fonction, pour avoir été réélu, se succède à lui-même. Cela peut donner l’impression à certains qu’il peut tout faire alors qu’il ne gère que les affaires courantes entre la période de son élection ou de la proclamation définitive des résultats par le Conseil Constitutionnel et la fin officielle de ses fonctions exercées sous le mandat échu. Pourtant, dans cette période, le Président de la République en fin de fonction, ne peut tout faire, notamment nommer un vice-Président de la République.
Pour mieux le comprendre, considérons l’hypothèse ou un Président de la République, autre que celui en exercice, était élu au terme du scrutin électoral du 31 octobre écoulé. Dans ce cas, il est évident que le Président Alassane OUATTARA, qui achève officiellement son mandat en cours le lundi 14 décembre 2020 comme prescrit par l’article 58 de la Constitution ivoirienne, ne pourrait pas nommer un vice-Président, avant cette date, pour son successeur. Cette compétence d’attribution relève du nouveau Président élu qui ne peut le faire qu’après sa prestation de serment. C’est à cette occasion, où à l’issue de celle-ci, que ce dernier peut nommer un vice-Président de la République car revêtu des « attributs de sa fonction » (article 58 alinéa 2 de la Constitution). Dans ce cas, comment le vice-Président de la République pourrait assister à la cérémonie de prestation de serment vu qu’il n’est pas élu en même temps que le Président de la République et qu’il ne peut être nommé avant que le Président élu n’ait prêté serment ?
Avant la révision constitutionnelle du 19 mars 2019, l’article 55 de la Constitution prévoyait que le Président de la République « choisit un vice-Président de la République, qui est élu en même temps que lui ». Cette disposition constitutionnelle a été modifiée lors de la révision évoquée de la Constitution du 08 novembre 2016. Désormais, aux termes de l’article 55 alinéa 2 de notre Constitution, « le Président de la République choisit un vice-Président de la République, en accord avec le Parlement ». Or, comme il a été évoqué, le Président de la République (nouvellement élu ou réélu), « reçoit les attributs de sa fonction » le lundi 14 décembre, jour de sa prestation de serment, conformément à l’article 58 de la Constitution du 08 novembre 2016, révisée le 19 mars 2020. C’est donc une fois revêtu des attributs de sa fonction à l’issue de la prestation de serment, que le Président de la République disposant de la plénitude de ses attributs, peut pourvoir à la nomination de son Vice-président. Et sur ce point, il n’a pas une compétence exclusive mais une compétence partagée avec le Parlement, en accord avec lequel il nomme le Vice-président de la République.
Si le Vice-Président avait été élu en même temps que le Président de la République, il assisterait à la prestation de serment comme le prévoit l’article 58 de la Constitution en son alinéa 1. De même, si le vice-Président initialement nommé par le Président de la république sous le mandat qui s’achève n’avait pas démissionné, il aurait pu assister à la cérémonie de prestation de serment du lundi 14 décembre 2020. Mais, il serait le vice-Président sortant et non le nouveau vice-Président.
La prestation de serment est « une audience solennelle » (article 58 alinéa 1 de la Constitution) et une « cérémonie publique » (alinéa 2 de l’article 58). Celui qui assiste à cette audience n’est pas acteur mais spectateur. Sa présence même prévue, n’infère ou n’interfère en rien sur l’audience solennelle devant le juge constitutionnel. Celui qui comparait devant le Conseil constitutionnel aux termes de l’article 58 de la Constitution, n’est pas le vice-Président mais bien entendu le Président de la République élu. C’est ce dernier qui, « au cours de cette cérémonie publique, reçoit les attributs de sa fonction et délivre à cette occasion un message à la Nation » (article 58 alinéa 2). Il ne prête pas conjointement serment avec le vice-Président de la République qui lui est nommé par le Président de la République ultérieurement, en accord avec le Parlement. C’est à la suite de la nomination du vice-Président que celui-ci prête serment.
Le Président de la République prête serment conformément à l’article 58 de la Constitution tandis que le vice-Président de la République fait sa prestation de serment conformément à l’article 79 de la Constitution. Ces deux dispositions constitutionnelles sont le fondement de leur entrée en fonction qui se fait à deux périodes distinctes. Ainsi, une fois nommé ultérieurement comme indiqué, le vice-Président de la République n’entre pas immédiatement en fonction mais après sa prestation de serment. A cet effet, l’article 79 de la Constitution dispose que « avant son entrée en fonction, le vice-Président de la République choisi par le Président de la République conformément à l’article 55 prête serment devant le Conseil constitutionnel, réuni en audience solennelle, et en présence du Président de la République ».
Le vice-Président de la République ne prête donc pas conjointement serment avec le Président de la République mais ultérieurement au cours d’une autre audience solennelle du Conseil Constitutionnel. Alors que la cérémonie de prestation de serment du Président de la République est prévue par l’article 58 de la Constitution ivoirienne, celle du vice-Président l’est par l’article 79 de cette Constitution.
La formule du serment du vice-Président n’est pas identique à celle du Président de la République. Celle du vice-Président est : « Je jure solennellement et sur l’honneur de respecter la Constitution, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge dans le strict respect de ses obligations et avec loyauté à l’égard du Président de la République. Que le Président de la République me retire sa confiance si je trahis mon serment » (Article 79 alinéa 2). Et, la formule de serment du Président de la République est la suivante : « Devant le peuple souverain de Côte d’Ivoire, je jure solennellement et sur l’honneur de respecter et de défendre fidèlement la Constitution, d’incarner l’unité nationale, d’assurer la continuité de l’Etat et de défendre son intégrité territoriale, de protéger les Droits et Libertés des citoyens, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge dans l’intérêt supérieur de la Nation. Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois, si je trahis mon serment ».
Alors que le Président de la République dira dans son serment : « Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois, si je trahis mon serment », le vice-Président dira : « Que le Président de la République me retire sa confiance si je trahis mon serment ».
Dr. GUIBESSONGUI N’Datien Séverin
Docteur en Droit / Avocat