La chaîne de télévision malienne Joliba TV News a été suspendue d’émettre ses programmes au Mali, après l’arrestation d’un de ses chroniqueurs, Issa Kaou N’Djim autrefois proche du président de la transition. Faut-il y voir, plus largement, une volonté pour l’Alliance des États du Sahel de museler toute opposition et la presse ?
Tout a commencé le 8 novembre, quand un homme a été arrêté à Ouagadougou (Burkina-Faso) en possession de 5 milliards de FCFA qui aurait servi à corrompre des militaires pour renverser le régime du capitaine Ibrahim Traoré. Le 10 novembre, l’opposant malien Issa Kaou N’Djim a été reçu dans une émission dénommée « Le rendez-vous des idées » sur la chaîne locale malienne Joliba TV News. Au cours de l’émission, Issa Kaou N’Djim avait ironisé sur cette tentative de coup d’État contre Ibrahim Traoré. Il l’a qualifiée de « montage », de « mise en scène même pas professionnelle ». Pour lui c’est un leurre visant « à détourner l’attention de l’opinion sur les vraies questions ».
Ces propos ont fortement déplu au gouvernement de transition burkinabè et au Conseil supérieur de la Communication (CSC) du Burkina Faso. Ce dernier a envoyé un courrier de plainte à la Haute autorité de la communication (HAC) du Mali dès le 12 novembre. Le lendemain, Issa Kaou N’Djim était arrêté à son domicile et placé sous mandat de dépôt par le procureur chargé de la lutte contre la cybercriminalité au Mali, pour « offense commise publiquement envers un chef d’État étranger ». Il est en détention provisoire jusqu’à son jugement programmé le 23 décembre.
La chaîne privée Joliba TV s’est vue retirer sa licence et ne peut donc plus diffuser ses programmes. À noter que cette licence avait déjà été suspendue en novembre 2022.
Liberté « en danger »?
Certains observateurs voient dans cette arrestation et cette interdiction d’émettre une énième entorse à la liberté d’expression et une volonté de museler les oppositions politiques. La Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) a dénoncé à de nombreuses reprises « l’inadmissible » répression dont les « défenseurs des droits humains, des journalistes et des opposants » sont les victimes au Mali, au Niger et au Burkina-Faso.
De nombreux médias locaux et internationaux ont été interdits depuis l’instauration des gouvernement de transition dans ces trois pays pour avoir dénoncé l’incapacité des trois pays de l’AES à endiguer les attaques terroristes.
En ce sens, pour établir des faits et rien que des faits, Joliba TV est un cas emblématique. Mais pas isolé. D’une manière globale, il ne fait pas bon être journaliste dans ces trois pays, tant les pressions et les intimidations envers eux (et les leaders d’opinion) se multiplient.
Celui qui résume sans doute le milieu l’état de la liberté d’expression au Mali est Issiaka Tamboura directeur de rédaction de Soft Investigation : « Je ne peux pas clairement affirmer qu’elle est en danger du moment où moi-même je me mets en danger en déclarant ouvertement que cette liberté d’expression est en danger ». Cette analyse semble correspondre en tous points au ressenti des journalistes au Burkina-Faso et au Niger.
Constantine Ndoko