Les dernières mesures prises par les autorités du Niger ont permis, le 5 novembre dernier, d’appliquer de nouvelles sanctions comme la déchéance de nationalité. Les proches soutiens de l’ancien président Mohamed Bazoum sont les premiers visés.
L’ordonnance du 23 août 2024 modifiant la loi de 2014 sur la déchéance de nationalité a commencé à s’appliquer. Faut-il s’étonner que les premières personnes concernées soient des proches du président déchu, Mohamed Bazoum ? Toutes, selon les nouveaux termes de la loi, sont accusées « d’intelligence avec une puissance étrangère » et de « complot contre l’autorité de l’État ». Parmi ces proches, figurent notamment Rhissa AG Boula, ministre d’État à la présidence chargé des questions de sécurité ; les généraux Mahamadou Abou Tarka, ancien président de la Haute Autorité à la consolidation de la paix ; Wali Ibrahim Karingama, ancien chef de la garde présidentielle et président du Centre national d’études stratégiques et de sécurité (CNESS) ; ou encore Daouda Djibo Takoubakoye, adjoint au directeur de cabinet du président renversé.
Toutes ces personnalités sont soupçonnées de « mener des activités susceptibles de perturber la paix et la sécurité publique, d’intelligence avec une puissance étrangère, de participation à une entreprise de démoralisation de l’armée et de diffusion de données ou de propos de nature à troubler l’ordre public ». Avec l’application de cette ordonnance le chef du gouvernement de transition du Niger tente de renforcer son autorité dans un climat de tensions politiques et économiques .
Purges politiques
En fait, l’application de cette ordonnance est perçue, par les diplomaties étrangères et par les opposants internes, comme un contre-feu pour masquer les tristes réalités politiques, économiques et sociales du pays : l’inflation devrait atteindre près de 9 % pour l’année 2024 ; Presque un Nigérien sur deux est en état d’extrême pauvreté. En 2023, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (UNOCHA a signalé) que 4,5 millions de personnes, soit 17 % de la population, avaient besoin d’une aide humanitaire au Niger, contre 3,7 millions en 2022.
Avec le renforcement du cadre de la déchéance nationale, les autorités cherchent à se donner les moyens de museler toute opposition interne et ainsi justifier juridiquement toutes les purges politiques à venir. Les arrestations de journalistes, les disparitions inexpliquées, et les meurtres non élucidés de personnes influentes attestent de la pression qui pèse aujourd’hui sur la population nigérienne et les élites proches de l’ancien régime.
L’apparition d’un cadre légal a permis la création d’un fichier répertoriant les individus et entités impliqués dans des actes terroristes ou portant atteinte aux intérêts vitaux de la nation. Pourtant, le Niger a ratifiée en 1966 la Déclaration des droits de l’Homme 1966. En outre, la Constitution de 1999 stipule que ces droits sont « respectés et protégés ». L’ordonnance d’août 2024 semble éloigner un peu plus le Niger du cadre démocratique.
Constantine Ndoko