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Constitution ivoirienne : Bacongo attaque un sujet tabou, André Silver Konan en colère

Constitution ivoirienne : Bacongo attaque un sujet tabou, André Silver Konan en colère
Publié le
Par
Charles Kouassi
Lecture 6 minutes

Dans une contribution publiée mercredi 6 janvier 2016 par plusieurs quotidiens abidjanais Monsieur Ibrahim Cissé Bacongo, ministre actuel de la Fonction Publique et de la Réforme administrative prend un certain nombre de position au sujet de la révision de la Constitution ivoirienne.

Concernant particulièrement la question de la limitation du mandat du Président de la République, l’auteur de la contribution prend même à contre-pied la position régulièrement exprimée par le chef de l’État ivoirien, tout en proposant des garde-fous pour éviter que l’abrogation de la disposition pose des problèmes d’autres ordres.
Rappelant que « l’article 35 est de loin la disposition de la Constitution qui a le plus mobilisé la classe politique dans son ensemble et les ivoiriens, en général », le ministre explique cela par le fait qu’il a « été rédigé dans une ambiance et un environnement marqués par la fureur féroce, la haine cannibalesque, l’instinct bestial , la méfiance réflexe, la passion à l’état pathologique, la tension à trancher au cordeau et la transe collective» .
« On comprend dès lors, poursuit-il,  que les gens ordinaires en situation extraordinaire qui l’ont rédigé ne se soient pas embarrassés de vaines précautions, pour cerner tous les contours de la limitation de la durée du mandat présidentiel, faute de lucidité et de sérénité. De même, si l’article n’avait pas été rédigé à la va-vite, sous la pression, son objet aurait dû être limité à la durée du mandat présidentiel, les conditions d’éligibilité devant faire l’objet d’un article séparé ».

Puis le ministre constate : « Qu’importe ! En limitant la durée du mandat présidentiel à dix (10) ans, suivant un modèle standard sans originalité en vigueur globalement sous les tropiques, l’alinéa 1er peut être contre-productif pour la promotion de la démocratie, voire s’avérer mortifère, dans son application stricte. Certes, dans un contexte de démocratie factice, comme dans de nombreux pays, particulièrement d’Afrique, où les Chefs d’État  sont enclins à se maintenir au pouvoir, ad vitam aeternam, généralement au moyen d’artifices électoraux, la limitation du mandat présidentiel dans la constitution peut être considéré comme un compromis salutaire entre le règne de la dictature déguisée et l’alternance au moyen des armes. Telle est, en tout cas, la perception qu’en ont les oppositions africaines, globalement, les puissances occidentales qui les soutiennent dans leur quête de démocratie et les Organisations Non-Gouvernementales de promotion de la démocratie. En Côte d’Ivoire, elle a été proposée, puis approuvée dans le cadre des travaux de la CCCE, par la quasi-totalité de la classe politique. En ce qui le concerne, l’actuel Président de la République a milité, fermement, à la stupéfaction des membres de la Direction de son Parti, en faveur d’un mandat de sept (7) ans non renouvelable, avant de céder devant l’argument consistant dans la nécessité, en démocratie, de soumettre le bilan de la gestion de l’État , au cours d’un mandat, au quitus du peuple, en briguant un nouveau mandat. Il n’empêche, la disposition porte en germe deux conséquences fâcheuses. Premièrement, en l’absence de cadres politiques charismatiques, compétents, crédibles et intègres, pouvant assurer la relève, le peuple peut se trouver comme contraint d’élire un Président de la République par défaut, dont la gestion peut le conduire à un désastre, sur tous les plans. Alors que, dans le même temps, le Président sortant est exclu, d’emblée, de la course, après ses deux mandats, bien qu’il remplisse, notamment, les conditions d’âge, de moralité et de nationalité et malgré son charisme imposant, sa gestion irréprochable, sa gouvernance impeccable, son leadership reconnu et le soutien dont il bénéficie auprès de l’ensemble de la classe politique et des populations. Deuxièmement, elle peut déboucher sur des crises résurgentes encore plus graves que celles qu’elle est sensée résoudre, comme on a pu le constater dans de nombreux pays d’Afrique qui l’ont adoptée, puis l’ont remise en cause, avec plus ou moins de réussite. Le Burkina-Faso, le Burundi, le Congo-Brazzaville , le Rwanda, le Sénégal, le Togo en sont des illustrations. Au demeurant, dans les grandes démocraties où elle est inscrite dans la constitution, la limitation du mandat présidentiel peut trouver une justification dans le fait que la classe politique regorge de cadres compétents, expérimentés et jouissant d’une légitimité nationale, qui attendent longtemps, avant d’accéder au pouvoir. D’ailleurs, certaines de ces démocraties n’ont adopté la limitation dans leur constitution que récemment, comparativement à leur longue histoire politique : les USA, conformément au XXIIème Amendement ratifié le 27 février 1957 ; la France, avec la Loi n°2008-724 du 23 juillet 2008. Il convient donc d’abroger la limitation de la durée du mandat présidentiel et de revenir à l’ancienne rédaction de la disposition traitant cette question telle que résultant de la Constitution de 1960».

Pour éviter toute confusion sur son point de vue, Cissé Bacongo prévient les lecteurs : « On a bien conscience du risque de polémique attaché à cette proposition. Elle pourrait apparaître comme une tentative, de la part du Président de la République, de se maintenir au pouvoir, à l’issue de son second mandat, malgré toutes les assurances qu’il a données en ce sens. Mais, l’auteur assume ce risque. Si la proposition est retenue, elle devrait s’accompagner, entre autres initiatives, de l’éducation et la sensibilisation des populations à travers les Associations et ONG de la Société Civile et les Partis Politiques,  du renforcement de tout le processus électoral par la crédibilisation des organes et structures de gestion, la transparence dans les procédures, le respect des règles d’égalité et d’équité ».

André Silver Konan riposte

Malgré toutes les précautions oratoires et discursives prises sur la question, le journaliste-chroniqueur ivoirien André Silver Konan croit percevoir une ruse dans la démarche de l’auteur de la contribution. Et de l’interpeller en ces termes dans le billet ci-dessous transmis aux rédactions à Abidjan ce mercredi : « Allez dire à Cissé Bacongo d’arrêter ce petit jeu tout de suite. La limitation du mandat présidentiel en Côte d’Ivoire est un acquis démocratique qu’il ne faut absolument pas remettre en cause, pour des intérêts personnels (personne n’est dupe) ; contrairement aux autres dispositions conflictuelles qui doivent nécessairement être réformées au cours du référendum prochain que je soutiens. L’Afrique a trop souffert du tripatouillage ou de la tentative de tripatouillage de cette disposition constitutionnelle, pour qu’un politicien de haut niveau s’amuse en Côte d’Ivoire, à distiller cette idée dans l’opinion. L’idée serait avancée par un petit gars que j’en rirais. Je répète : allez dire à Cissé Bacongo d’arrêter ça. Le Président Ouattara a déjà et clairement déclaré qu’il n’irait pas au-delà de 2020 et il ne faut pas le gêner dans son action, ni perturber les Ivoiriens avec une idée rétrograde (je pèse bien mes mots) qui risque de créer des tensions sociales et politiques dont le seul mérite serait de perturber inutilement l’avancée vers l’émergence promise. Du pur gâchis à l’horizon…Il y a des choses avec lesquelles on ne doit pas jouer et chercher à remettre en cause la clause de limitation du mandat présidentiel est un vilain, très vilain jeu ».

Le billet s’en tient aux positions de principes. Une analyse détaillée des arguments de Monsieur Ibrahim Cissé Bacongo devrait enrichir davantage le débat , et aider peut-être à mieux renvoyer l’auteur dans ses petits souliers.

Alice Ouédraogo

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