L’Afrique a disposé d’une constitution universelle, de tous les éléments endogènes et pacigènes pour sceller la paix conviviale ancestrale pour tous ses enfants et la prospérité commune. La Défense de l’intégrité territoriale de nos Etats postcoloniaux, la sécurité conviviale et, au cœur des enjeux de défense et de sécurité collective sahélienne, voilà le cœur probant de l’approche du philosophe Djibo Mamadou. Elle reste donc intéressante et d’actualité.
Cette chronique sur la Constitution du Mandé, connue sous le nom du Serment du Mandé de 1236 a été adoptée par consensus en Assemblée royale constituante à Kangaba, capitale de l’Empire du Mali. Loi fondamentale sur laquelle le Décent Empereur Mansa Soundiata Kéita, justiciable comme tous les humains, a prêté serment.
Les objectifs spécifiquessont de sortir de la réification de la pensée juridique, juridictions et jurisprudence de type jacobin (français) et singulièrement de la norme, droit civil, procédure et principes de droits issus de la Constitution de 1958. La fin de la nuit coloniale aurait dû consacrer un moment fondateur pour bâtir une identité juridique propre comme le Professeur Hans Kelsen le fit en écrivant la Constitution de 1920 pour l’Autriche avec le déclin de l’Empire Austro-Hongrie et du lointain Saint Empire Romain. La Constitution de 1236 du Mandé est parfaitement osmose vécue et principes de droit au nom d’un constitutionnalisme universel en subsumant les catégories juridiques que sont l’équité et la réparation, d’où sa singularité universelle. Je m’inscris en faux à la lecture de l’illustre feu Djibril Tamsir Niane sur sa lecture qui réduit cette Loi à un concretum de conventions.
La Charte de Kurukan Fuga de 1236 ? Parce que tout vieux texte constituant est ainsi appelé. Mais cette Loi est le nom de la Constitution endogène mandéen. Et elle demeure ainsi la Constitution des « Mandenkaw » encore en cours de nos jours dans le cœur et les esprits. Son espace géographique et géopolitique de civilisation recoupe 8 pays ouest-africains post-coloniaux. Le modèle juridique occidentalisé qui a cours en Afrique semble frappé par son obsolescence programmée. Une autre stratégie, celle du recours à nos constitutions endogènes de nos peuples dont la vérité diagonale est constitutive de Loi fondamentale pour ces peuples au sein d’une même nation en devenir, cette vérité-là, son temps est annoncé. L’instabilité constitutionnelle chronique et les institutions querellées en sont témoins. Un changement de paradigme sied.
Une Constitution endogène du moyen âge africain, en 44 articles dont le contenu reste son suprême enjeu : elle est proclamée pour la société civile. Une première dans le monde des civilisations et législations induites en ceci que partout dans ce vaste monde, les constitutions sont écrites pour les sociétés politiques et au nom de la promotion de l’affectio societatis. Une première aussi dans cette Afrique du 12e siècle, mémorielle, tolérante et en phase avec le respect mutuel que les Humains se doivent.
Cet Essai ouvre dès lors des perspectives heureuses, ces lieux de mémoire politique et géopolitique millénaire. Il faut en toute souveraineté et responsabilité, les revisiter au nom de la sauvegarde du Sahara-Sahel-Golfe et de la Paix conviviale endogène. Dire l’Empire du Mali, c’est dire le socle manding : diula, sénoufo, peul, tamasheq, bamana, marka, etc. Cet espace civilisationnel doit ainsi faire face au front du chaos au moyen de ses mécanismes endogènes, de ses ressorts culturels et religieux propres. Les diktats venus d’ailleurs relèvent d’autres ressorts civilisationnels. Parier sur la Paix conviviale ancestrale ? Oui. Parce qu’elle est par essence et par excellence, dialogale pour une société pacigène.
L’Etat mandéen décent de Mansa Soundiata Kéïta était laïc au sens de respect mutuel des grilles de lecture du monde, des divinités, des rites et cultes, du monothéisme, le sacré et, la transcendance comme le Mandé le fut, bien avant l’arrivée de l’Islam vers l’an 790 selon la mémoire parlante. Le premier Roi musulman du Mali connu, date, bien plus tard, de 1060. La Laïcité est donc ce vécu social foisonnant de tolérance et pluriséculaire. Elle n’est donc pas un quiproquo, des arbitrages étatiques au sein des populations multiethniques et multiconfessionnels, déistes, animistes et agnostiques, qui ont toujours pratiqué le monothéisme avant et en 790 rebaptisé avec l’Islam arrivé sur des chameaux amarrés de sels et autres produits d’échanges arabo-berbéro-africains noirs et, après en 1880, avec le christianisme arrivé avec l’épée coloniale française. La sécularisation actuelle des institutions républicaines postcoloniales (qui hypostasient contre notre mémoire historique la laïcité du modèle français de 1789), adossée sur nos institutions politiques traditionnelles ou chefferies coutumières en dialogue constant avec les chefs des divers clergés, devra parier sur le retour de notre histoire émancipée des extrémismes et de l’armature dogmatique tolérante et ordonnatrice de la Paix conviviale ancestrale. Il ne s’agit point d’un radotage nostalgique.
« MANSA SOUNDIATA KEITA, LE SERMANT » PAR MAMADOU DJIBO BAANE-BADIKIRANE. Editions Labala 2023