Laurent Gbagbo, ex Président ivoirien, a accordé une interview de 40 minutes à TV5 diffusée le jeudi 29 octobre 2020 à quelques heures de la date de clôture officielle de la campagne électorale pour l’élection du Président de la République le 31 octobre 2020, sans prononcer aucun nom des autres principaux acteurs politiques du pays (Bédié, Affi, Soro, Assoa), en dehors de celui du Président Alassane Ouattara.
S’agissant justement de son appel à la discussion et interrogé sur sa posture à l’égard du chef de l’État sortant, Laurent Gbagbo n’a pas fermé la porte sur la forme , même s’il n’a rien cédé sur le fond : « C’est lui le Président ! Moi je ne suis qu’un prisonnier ( ) Tant que je ne suis pas rentré dans mon pays, cet acquittement a un goût d’inachevé. Voir l’ex président de la République aller à l’ambassadeur demander un passeport, c’est un peu honteux pour le pays. (….) Il manque d’élégance. On ne refait pas un homme( rires ). Mais ce n’est pas grave en ce qui me concerne personnellement. C’est ce qui concerne le pays qui compte . Je ne veux pas rentrer et provoquer des palabres , des tensions, des antagonismes… Je ne veux pas provoquer ça. C’est pourquoi je ne suis pas rentré. Sinon rentrer dans mon pays c’est facile . Quelqu’un peut me donner un passeport. On n’a pas besoin de négocier pour ça ! C’est un droit ! Un droit ne se négocie pas. Ce qu’il fait négocier , c’est la paix ! C’est pourquoi je les appelle à négocier … (…). Il ne faut pas faire comme si les autres ont commis une faute. C’est lui qui a commis une faute ! (…). »
Lire aussi >> Conseil des ministres : Laurent Gbagbo et Blé Goudé sont libres de rentrer en Côte d’ivoire (Alassane Ouattara)
L’ex détenu de la CPI, qui est revenu au moins deux fois sur cette qualité d’ancien prisonnier à côté de sa qualité et de son statut d’ancien chef de l’État, a appelé avec insistance au dialogue politique entre tous les acteurs politiques de la Côte d’Ivoire , en vue d’éviter selon lui une possible catastrophe après le 31 occasion 2020 suite à l’élection présidentielle en cours dans le pays.
Affirmant clairement être du côté l’opposition dans le combat contre la candidature du Président Alassane Ouattara Laurent Gbagbo s’est toutefois gardé de dire des mots qui peuvent empêcher justement la discussion qu’il réclame avec force, même s’il a clairement été sans concession au sujet de la candidature du chef de l’État sortant.
Restant fidèle à ses convictions, et en les exprimant de façon claire et sans ambiguïté, celui qui s’est aussi présenté comme homme politique, a rejeté les arguments de ceux qui appellent à sa retraite politique, ainsi que celle des Présidents Ouattara et Bédié en disant que cela n’est pas démocratique.
Lire aussi >> Gbagbo et Blé Goudé: Bye Bye CPI, Allô Abidjan ?
Laurent Gbagbo qui a appelé à négocier et discuter , qui a dit qu’il est du côté de l’opposition, n’a pas repris expressément à son compte l’appel au boycott actif des élections, et à la désobéissance, pour éviter d’être éventuellement rendu comptable des violences liées, alors qu’il sort d’une procédure à la Cpi, et au moment où la procureur Fatou Bensouda a lancé un appel à la responsabilité et à la retenue des acteurs politiques ivoiriens.
L’interview diffusée avant la fin de la campagne, dans le cadre de la campagne avec des mots choisis de fermeté, sans être ceux d’un va-t-en guerre , mais bien ceux d’un ex chef de l’État, peut permettre au Président Laurent Gbagbo de peser davantage dans le format de la discussion de l’après 31 octobre 2020 entre Alassane Ouattara et l’opposition ivoirienne.
La question est de savoir si le pouvoir d’Abidjan percevra les subtilités et les dessous du message de l’ex Président ivoirien dont les partisans semblent satisfaits selon les premières réactions à chaud.
Lire aussi >> Gbagbo, le retour en Côte d’Ivoire reporté : les raisons (ASSOA Adou)
Extraits ci-dessous d’une interview que toutes les populations ivoiriennes et même africaines ( sans oublier le reste de la communauté internationale) tentent déjà de décrypter sous tous les angles.
Gbagbo : Si je me tais, ce ne serait pas responsable. (…) Donner ma direction, celle qui me semble bonne…
TV5 : Vos partisans ont déposé un dossier ( de candidature) qui a été rejeté (…) Vous avez été surpris ?
Gbagbo : Nous étions 44 candidats. On a rejeté 40 candidatures. Je trouve ça un peu enfantin . Dans un pays, ceux qui veulent être candidats doivent être candidats. On ne doit pas multiplier des obstacles sur la route des candidatures. Je ne conçois pas la politique comme ça.
TV5 : Est-ce que vous comprenez la colère de anti 3ème mandat.
Gbagbo : Oui. Oui. Je la comprends et je la partage. (….)
Gbagbo : Le champ politique s’est élargi . J’ai été le seul à être candidat contre Houphouët en 90…. Avec la discussion, les négociations, on règle beaucoup de problèmes.
TV5 : Est-ce que le temps n’est pas venu de vous retirer ?
Gbagbo : On ne règle pas les problèmes comme ça ! C’est anti démocratique d’ailleurs ( …) De Gaule , de 1940 à 1969, à son départ de l’Elysee . Mitterand , il est resté combien de temps (…), au devant de la scène politique… Il était ministre depuis les années 50….(….)
TV5 : Mais comparaison n’est pas raison…. depuis 1999, tous les trois vous occupez le devant de la scène politique…La jeune veut (…)
Gbagbo : La jeunesse ne veut rien du tout , ce sont les autres qui parlent de la jeunesse (….) Poser le problème en ces termes c’est encore tromper les ivoiriens, en disant si les trois s’en vont, tous les problèmes des Ivoiriens seront respectés…. (……) Il faut respecter la limitation des mandats. Au temps d’ Houphouët Boigny il n’y avait pas de limitation de mandat…. Aux États Unis , il n’y avait pas de limitation de mandats au début.
TV5 : Qu’est ce qui nous attend au lendemain du 31 octobre ?
Gbagbo : La catastrophe ! C’est pour cela que je parle … Pour qu’on sache que je ne suis pas d’accord, qu’on dise qu’il y’avait autre chose à faire. (…) Il faut discuter, négocier , parler ensemble !
TV5 : Il est encore temps de le faire ?
Gbagbo : Il est toujours temps de le faire ! Il est toujours temps de paler . (…) Dans ce combat qui se mène aujourd’hui autour du troisième mandat, je suis moi Laurent Gbagbo, ancien chef d’État , ancien prisonnier de la CPI, je suis résolument du côté de l’opposition. Je dis, vu mon expérience, il faut né-go-cier.
Charles Kouassi